Journée mondiale de la langue maternelle au Mali : Quand l’incohérence cache parfois la mauvaise foi

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Le gouvernement dira-t-il que le financement par l’ORTM de films ethniques est légitime ? à condition qu’il ne s’agisse pas d’une seule ethnie ! Un citoyen a dit, dans un récent micro-trottoir de l’ORTM, que s’exprimer par la culture de quelqu’un c’est lui appartenir…

Souveraineté sur qui ?

On se souvient des réticences de villages lors du découpage de la décentralisation. Chaque village chez nous est bien un royaume, ce n’est pas vrai que chez les forestiers, où c’est systématique : Houphouët ne disait-il pas que la colonisation n’avait pas balkanisé l’Afrique ? La langue nationale d’un Soninké (même non soninkophone) n’est donc pas le bambara ou le peul (même s’il parle ces langues) mais bien le soninké : c’est ce qu’a dit le ministre à propos du français : un acquis historique… Parler de souveraineté en la matière, c’est oublier l’histoire récente de la colonisation. Souveraineté sur qui alors ? On sait que les Diolas représentent 5,5% de la population sénégalaise : leur mouvement indépendantiste en est-il pour autant moins vigoureux ? Aujourd’hui, le monde est un village dont la culture, unique, est la démocratie et la décentralisation : avec cette logique pourquoi ne pas abandonner toutes les langues pour apprendre l’anglais ? C’est parce que ce serait abandonner inutilement nos langues, alors qu’on peut les conserver avec leur richesses et y ajouter une ou deux autres !

Monuments de pierre et langues vivantes

Quand le gouvernement veut reconstruire les monuments de pierre, de la destruction, pourquoi ne le ferait-il pas des langues vivantes en perte de vitesse du fait du dynamisme allogène des affaires ? Les langues sont toujours issues d’une autre qui les a soutenues, avant de les laisser prendre leur indépendance. Le français a fait cinq siècles avant d’oser aller à l’écrit et deux siècles avant de s’imposer au latin dans les universités, après avoir bénéficié de l’apport de l’hébreu et de l’arabe, puis de l’italien moderne. L’anglais et l’allemand ont été fécondés par le français. Les Chinois et les Japonais modernes ont été à l’école de l’Allemagne à la fin du XIXe siècle, et les Coréens du Sud à celle des Etats-Unis, leurs parrains. Les savants ont toujours été multilingues ou ont travaillé sur les traductions. C’est une tradition qui demeure dans tous les enseignements supérieurs. Et chaque fois que les pays l’ont oublié, en se refermant sur eux-mêmes, comme cela est arrivé à la Chine, ils ont régressé et ils ont été rattrapés et dépassés. Il y a au Mali 12 langues officielles, et c’est une excellente chose. Le point sur lequel le Forum a failli en 2010, c’est quand il a déclaré la capitale et deux régions (Ségou et Koulikoro) zones réservées à une seule langue: c’est le germe d’un éclatement du pays. Serait-il interdit d’ouvrir des écoles de soninké dans les neuf villages marka de Ségou, qui ont perdu leur langue du fait du commerce puis de la colonisation ? Les Bambara, on le sait, n’y sont pour rien ! Si peu nombreux que soient les locuteurs nationaux d’une langue (ils peuvent d’ailleurs avoir des extensions dans d’autres régions et à l’extérieur, dans d’autres pays), ils ont le droit d’avoir leur langue et de la transmettre à leurs enfants. Tous ceux qui parlent de promotion de nos langues, y compris les gens du Nko, ont fait l’école française, qui les a amenés à copier (le copiage est une vertu, s’il est bien fait) ses méthodes. De plus, le français, c’est la langue du colonisateur romain, que le peuple s’est finalement appropriée ! On peut donc bien s’y développer, même s’il est vrai qu’aujourd’hui on n’a pas besoin d’abandonner les autres langues, parce que les moyens techniques permettent de les conserver et de les pratiquer : pourquoi s’en priver ?

Ibrahima KOÏTA

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