Influence des “videomen” : Cyber activisme ou cyber manipulation ?

Le Numérique, ce champ d’innovations infini, est aussi un terrain propice à la diffusion d’informations de tout genre, qu’elles soient vraies, fausses ou encore dangereuses.

28 Juillet 2025 - 12:10
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Influence des “videomen” : Cyber activisme ou cyber manipulation ?

A l’heure où la psyché informationnelle est en berne, naviguer sur la toile reviendrait à évoluer en eaux troubles. Il devient très difficile de distinguer le vrai du faux, et surtout d’opérer un jugement clair et objectif d’une situation donnée. Nombre de « vidéomen », avec leur large audience, sont de gros pourvoyeurs d’informations, et de ce fait, participent au façonnement de l’opinion publique.

Le paradoxe est qu’il subsiste au Mali une certaine fracture numérique. Selon les données de l’Union internationale des télécommunications (UIT) en 2023, 30% de la population malienne n’étaient pas du tout couverte par le réseau 3 G. Pour la 4G, le déficit de couverture monte à 47% de la population. Par contre, la 2G couvrait déjà 100% de la population sur la même année. Pourtant, le taux de pénétration de l’Internet est estimé à 33,1%, contre 67,3% pour la téléphonie mobile. Un retard qui peut encore servir pour l’assainissement de la toile au Mali.

La désinformation, plus qu’une simple pathologie, est devenue avec l’explosion du numérique une véritable épidémie à l’échelle mondiale. Tel un virus, il ne cesse de muter et d’adopter des postures de plus en plus vicieuses pouvant aller se loger dans le subconscient collectif d’un groupement d’individus plus un moins nombreux. Sa force de frappe est redoutable, ainsi que sa toxicité, pouvant même contaminer celui qui le manipule. Après tout, ne dit-on pas qu’un mensonge répété mille fois devient une vérité ? Cette acception est vraie, et ce, même auprès de celui qui use de ce vice pour manipuler les gens pour des visées très peu louables, la plupart du temps. Et l’arrivée de l’Intelligence Artificielle, complexifie davantage la lutte contre ce fléau, déjà fortement mise à mal.

« Vidéomen » : Cyber-arroseurs toujours, cyber-arrosés un jour !

Depuis une dizaine d’années, sur la toile malienne, c’est le règne des vidéomen. Fournisseurs d’informations journalistiques, ils ne sont point journalistes. Et pourtant, ils volent la vedette très souvent aux titulaires du poste. Et pour cause, leur style plait et ils auraient su quels biais exploiter afin d’attirer les clics. Ils auraient su se faufiler dans un vide, celui du très faible quotient médiatique de la masse.

Leur impact est tel que souvent l’on les assimile à des journalistes. Conséquence, beaucoup d’internautes, enfermés dans le cercle vicieux d’une manipulation d’informations qui trouve racine dans leur propre psyché, voient leur quotient d’analyse fortement entamé. Les symptômes sont, de manière générale, absence de pensée critique, difficulté d’écouter une opinion contraire à la sienne, une instabilité émotionnelle sur certains sujets, entre autres. Et lorsque l’on sait que selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la désinformation nuit à la santé, faire le parallèle entre pathologie et désinformation est pertinent.

Une autre conséquence de l’utilisation toxique que font les vidéomen sur les réseaux, c’est une polarisation au sein de l’opinion qui induit un impact non négligeable sur la cohésion sociale. Au sein de la corporation des journalistes et autres fact-checkeurs, des initiatives sont pourtant mises en place. Le Jalon, Benbereverif ainsi que l’Association des Blogueurs Maliens font un réel travail de vérification des faits mais qui n’obtient pas toute la lumière qu’il mérite. WUYA, le fact-checking à l’initiative du citoyen, par le numérique avec l’avis des experts est aussi un outil qui peut aider au renforcement de l’intégrité de l’Information dans le paysage médiatique malien. À l’analyse, la lourdeur des média traditionnels mais aussi une certaine mentalité qui peine à comprendre l’enjeu de la lutte contre la désinformation, mettent un coup de frein non négligeable à toutes ces initiatives.

Contre un mal qui ne peut avoir de remède miracle, il est important de miser sur la prévention. En la matière, mettre en place l’éducation au média et au numérique est la solution qui prend des allures de piqûres de vaccin. Dès son plus jeune âge, l’élève malien apprendra des notions comme la définition d’une information journalistique, la désinformation et ses ramifications, les différents types de journalisme. Il apprendra aussi la bienséance numérique, comment reconnaitre une source fiable d’informations et surtout, il aura toute sa pensée critique afin de pouvoir, avec une bonne dose d’objectivité, tirer l’analyse qui sera la sienne.

Quant aux vidéomen, à force de s’engouffrer dans le labyrinthe des manipulations d’informations qu’ils auront élaboré, ils devront tôt ou tard faire face à une autre pathologie, et non des moindres : « celui de l’influenceur influencé ».

                                                                                                                                     

 Ahmed M. Thiam

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