EDM-SA, l'urgence d'une bonne gestion : Le paradoxe de la subvention et du déficit

La situation énergétique actuelle au Mali est alarmante et nécessite une analyse approfondie ainsi qu'une action immédiate. Depuis juillet 2023, les Maliens sont confrontés à un régime de disette électrique, plongeant le pays dans une crise qui impacte directement la vie quotidienne des citoyens et le développement économique.

28 Juillet 2025 - 10:34
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EDM-SA, l'urgence d'une bonne gestion :  Le paradoxe de la subvention et du déficit

La Société Énergie du Mali (EDM-SA), avec ses 3 000 agents, semble incapable de fournir des chiffres essentiels, ce qui soulève de sérieuses questions sur sa gouvernance et sa performance.

Le manque crucial de transparence et de données

Pour qu'une entreprise publique telle qu'EDM SA puisse être gérée efficacement, la transparence est primordiale. L'incapacité à communiquer des données fondamentales, telles que le nombre d'abonnements post-payés et prépayés, ou le montant détaillé des charges (salaires, carburants, lubrifiants, maintenance), est un signal d'alarme majeur. Sans ces informations, il est impossible d'évaluer la performance de l'entreprise, d'identifier les goulets d'étranglement ou de prendre des décisions éclairées pour améliorer la situation.

Exemple concret de bonne gestion: Imaginez une entreprise comme Orange Mali ou Malitel. Elles publient régulièrement des rapports sur le nombre de leurs abonnés (prépayés et post-payés), leurs revenus et leurs dépenses. Cette transparence permet aux régulateurs, aux actionnaires et même au public d'avoir une vision claire de leur santé financière et opérationnelle. EDM SA devrait s'inspirer de ces modèles pour regagner la confiance du public et des autorités.

Le Paradoxe de la subvention et du déficit

La situation est d'autant plus préoccupante que l'électricité au Mali est non seulement subventionnée, mais également déficitaire. Ce paradoxe est difficilement justifiable, surtout lorsque l'on observe la performance des entreprises électriques dans des pays voisins. La Côte d'Ivoire et le Sénégal, malgré une production d'électricité basée sur les énergies fossiles et des prix au kilowattheure très bas, parviennent à assurer une abondance d'électricité et à réaliser des bénéfices, sans subventionner massivement leur secteur.

Exemple concret de bonne gestion: La Compagnie Ivoirienne d'Électricité (CIE) en Côte d'Ivoire est un cas d'étude pertinent. Bien qu'elle utilise également des énergies fossiles et que le pays ne dispose pas d'une raffinerie nationale pour tout son approvisionnement en carburant, la CIE a mis en place une gestion rigoureuse de ses coûts opérationnels et de sa chaîne d'approvisionnement. Parallèlement, elle a optimisé sa facturation et sa collecte de recettes, ce qui lui permet de générer des profits tout en maintenant des tarifs abordables et une qualité de service élevée. Ils ont investi dans la maintenance préventive de leurs infrastructures et dans la formation de leur personnel, réduisant ainsi les pannes et les pertes techniques.

De même, la Senelec au Sénégal a démontré une capacité à se moderniser et à optimiser ses opérations. Malgré l'absence d'une raffinerie nationale qui couvrirait tous ses besoins, Senelec a diversifié ses sources d'approvisionnement en combustibles et a mis en place des mécanismes de contrôle de gestion stricts. L'accent est mis sur la performance, avec des indicateurs clés de suivi et une responsabilisation à tous les niveaux.

Les leçons à tirer pour le Mali

Pour sortir de cette crise, EDM-SA doit impérativement revoir son modèle de gestion. Voici quelques pistes concrètes inspirées des bonnes pratiques:

● Transparence et redevabilité: Publier des rapports financiers et opérationnels détaillés et réguliers. Mettre en place des audits indépendants.

● Optimisation des coûts: Une analyse minutieuse des charges (carburants, lubrifiants, maintenance) est essentielle. Est-ce que les contrats sont négociés au meilleur prix ? La consommation est-elle optimisée ?

● Amélioration de la collecte des recettes: Renforcer les mécanismes de facturation et de recouvrement. La question des abonnements prépayés et post-payés est cruciale pour comprendre les flux de trésorerie.

● Investissement dans la maintenance préventive: Plutôt que d'attendre les pannes, investir dans la maintenance régulière des équipements pour prolonger leur durée de vie et assurer une production stable.

● Gestion des ressources humaines: Évaluer la productivité des 3 000 agents. Y a-t-il un besoin de formation, de réorganisation ou d'optimisation des effectifs ? Les salaires sont-ils alignés sur la productivité ?

● Diversification et optimisation de l'approvisionnement: Le fait que la Côte d'Ivoire et le Sénégal aient des raffineries ne doit pas être un obstacle insurmontable pour le Mali. Des stratégies d'approvisionnement diversifiées et des contrats à long terme peuvent atténuer les risques liés aux fluctuations des prix du carburant.

La crise électrique au Mali est un symptôme d'une problématique plus profonde de gouvernance et de gestion. En s'inspirant des succès de ses voisins et en adoptant une approche rigoureuse basée sur la transparence, l'optimisation et la redevabilité, EDM SA peut non seulement sortir de l'impasse, mais aussi éclairer l'avenir du Mali. Il est temps que les chiffres parlent et que l'électricité cesse d'être une denrée rare pour les Maliens.

A.K. DRAMÉ, Analyste et chercheur en Stratégie de Croissance Accélérée, Enjeux et Innovations du Développement Durable

EDM-SA: Dettes et subventions

Il est difficile de donner un montant cumulé précis et à jour des dettes de la Société Énergie du Mali (EDM-SA), car les chiffres peuvent varier rapidement et sont souvent communiqués dans des rapports financiers spécifiques qui ne sont pas toujours publiquement accessibles en temps réel.

Cependant, des informations récentes indiquent des montants significatifs :

● Dette d'EDM-SA: Un article d'Africanews de mai 2025 mentionne que le Mali est sous pression pour une dette de 94 millions de dollars (56 400 000 000 CFA) liée à l'électricité, qui concerne probablement en grande partie EDM-SA et ses obligations envers des projets comme le barrage de Manantali. Un autre article de mars 2024 évoque la signature d'un protocole d'accord pour la gestion de la dette bancaire d'EDM-SA, (200 milliards CFA) soulignant l'importance du problème.

Concernant les subventions de l'État malien à la Société Énergie du Mali (EDM-SA), voici ce que l'on sait:

● Subventions annuelles: Les subventions de l'État à EDM-SA sont un soutien financier récurrent.

- En 2017, le montant de la subvention était de 34 milliards de FCFA.

- En 2018, ce montant est passé à 42 milliards de FCFA.

- Le rapport annuel d'activités d'EDM-SA pour 2022 mentionne l'octroi d'une subvention d'exploitation de 30 milliards de FCFA et d'une subvention d'équilibre additionnelle de 15 milliards de FCFA, soit un total de 45 milliards de FCFA pour cette année.

- La Banque Mondiale indique dans un document de décembre 2024 que l'entreprise a "surendetté le budget national, de l'ordre de 100 à 150 millions de dollars américains par an au cours des dernières années", ce qui représente une fourchette de environ 60 à 90 milliards de FCFA (en considérant un taux de change moyen de 600 FCFA pour 1 USD).

- Un article de mai 2024 sur abamako.com mentionne que le gouvernement malien a revu à la hausse la subvention d'EDM-SA, sans préciser le nouveau montant.

En résumé, EDM-SA est confrontée à une dette cumulée importante, et l'État malien lui apporte des subventions annuelles considérables, qui se chiffrent en dizaines de milliards de FCFA, voire plus de 100 millions de dollars ces dernières années.

À suivre !

A.K. DRAMÉ

Encadré

Nombre d’abonnés au réseau EDM-SA ?

D'après les dernières informations disponibles publiquement, le nombre d'abonnés de la Société Énergie du Mali (EDM-SA) est en constante augmentation. Voici les chiffres clés que nous avons trouvé:

● Fin 2016: 462 761 abonnés (source: aBamako.com, septembre 2017).

● Fin 2017: 515 827 abonnés (source: Rapport annuel d'activités 2020 de l'EDM-SA, via budget.gouv.ml)

● Fin 2022: Le rapport annuel d'activités d'EDM-SA pour 2022 indique un ratio de 355 abonnés par employé en 2022, contre 343 en 2021. Étant donné qu'il y avait 2 126 travailleurs en juillet 2021 selon leur site officiel, et une légère augmentation des effectifs en 2022 (autour de 2270 selon le même rapport), on peut estimer que le nombre d'abonnés se situerait autour de 800 000 en 2022 (2270 employés * 355 abonnés/employé).

Il est important de noter que les données les plus récentes sur le nombre exact d'abonnés peuvent être difficiles à obtenir publiquement en temps réel, car elles sont souvent publiées dans les rapports annuels d'activités qui peuvent avoir un certain décalage.

A.K. DRAMÉ

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