Faut–il redessiner notre géographie politique et économique ?

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Quel que soit le résultat de son Sommet ce 4 juin 2022, la CEDEAO aura perdu de sa crédibilité et pire le naufrage est presque annoncé. Dès le départ de la crise politique au Mali, il y a eu plus la volonté de punir un pays anti-modèle que de s’appuyer sur le Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance adopté en décembre 2001. Face à la montée de la révolte des sociétés africaines, dans un contexte « de mutations subversives », la volonté d’agir et de défendre les principes de convergence constitutionnelle, ne doit plus intégrer le maintien des institutions issues des procédures électorales décoratives en déphasage avec les aspirations démocratiques des peuples.

Aujourd’hui, en panne de réflexion stratégique, la CEDEAO s’est non seulement affaiblie aux yeux des peuples africains, mais également auprès des partenaires extérieurs du continent.

Dans la gestion des crises en cours, elle s’est mise en danger de paralysie et a fait reculer l’intégration en Afrique de l’ouest.

Il faut bien espérer qu’à la fin, le Mali saura convertir sa continentalité en davantage d’opportunité en exploitant au maximum les avantages de sa géographie.

Le Mali se présente comme un carrefour culturel où cohabitent des populations d’origines variées et aux modes de vie diversifiés dont la particularité est brassage à nul autre pareil. Un carrefour enclavé qui est à la jointure de deux Afrique, l’Afrique occidentale et l’Afrique du Nord, le Maghreb et le Golfe de Guinée. C’est cette géopolitique que nous avons toujours reconnue et gérée diplomatiquement. Il s’agit à présent de la piloter de manière géostratégique.

Cette position d’intermédiaire généra une prospérité qui permit, entre le VIIIe siècle et la fin du XIXe siècle, la construction d’ensembles politiques puissants. Les glorieux Empires du Ghana, Mali et Songhaï…

Dans certains cas, l’absence d’ouverture maritime demeura sans conséquence majeure jusqu’à l’arrivée des colonisateurs. Les constructions politiques d’alors reposaient sur les ressources du sol et du sous-sol ainsi que sur le commerce terrestre.

L’histoire coloniale de l’Afrique de l’Ouest puis le découpage colonial, font que depuis lors, le Mali dépend, pour son commerce extérieur, de ses voisins. Cela explique la vulnérabilité du pays à toute mesure de rétorsion. Aussi, comprendre la place du Mali dans son environnement géopolitique et géostratégique est-il essentiel à la définition, voire la redéfinition de notre géographie politique et économique.

La crise au Mali depuis 2012 a permis de tester dans l’espace Sahélo-Saharien, le système institutionnel de gestion de la sécurité, les capacités militaires et surtout de vérifier le niveau de volonté politique sans laquelle rien n’est possible. Elle a également permis de savoir qu’il existe une véritable difficulté de voir émerger la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest-CÉDÉAO (CEDEAO) en tant qu’acteur politique régional crédible respectueux du droit des peuples à a résistance à l’oppression.

L’embargo sans fondement légal décrété contre le Mali le 2 avril 2012 et le 9 janvier 2022 par cette organisation doit interroger tous les patriotes de ce pays. Car, il est certain que dans ses deux actes l’institution s’est à chaque fois effacée au profit des personnes qui avaient la rancune tenace contre notre pays. Il s’agit de : Blaise Compaoré en 2012 et Alassane Ouattara en 2022.

Il est d’ailleurs indicatif que la Mauritanie, membre fondateur, s’est retirée de la CEDEAO en 2000 à la faveur de la crise au Liberia pour davantage se rapprocher du Maghreb. Mais, elle reste comme le Mali dans la position de trait-d’union entre les deux Afrique.

Il est un principe fondamental qui veut que chaque Etat fasse la politique de ses frontières physiques ou virtuelles. Sans renier notre appartenance à la CEDEAO, aujourd’hui l’histoire impose au Mali la nécessiter de redessiner sa Géographie politique et économique pour éviter aux générations futures de l’embargo à répétition, un véritable chantage à la mer contre le pays.

Le Mali a une frontière avec sept (7) pays dont cinq (5) ont accès à la mer. Des cinq pays frontaliers qui ont accès à la mer, seuls deux ont décidé de donner force à la décision de la CEDEAO en bloquant en toute illégalité l’accès à leur port aux opérateurs économiques de notre pays.

Pour rappel, la continentalité du Mali ne résulte que de la volonté de la colonisation française. Le port de l’empire du Mali se trouvait en Gambie actuelle et toutes les expéditions des Empereurs de l’époque sont parties de ce port ou de la baie Soumbedioune à Dakar au Sénégal. L’enclavement était une punition infligée au peuple de résistants du Mali consistant à lui refusant tout accès à la mer.

Le temps est venu de transformer la crise actuelle en opportunité pour sortir de la logique de chantage à la mer devenue depuis peu le sport favori de certains pays limitrophes.

Nous devrons nous réorienter vers destinations qui à tout le moins ne font pas de la continentalité une punition, qui confortent notre souveraineté et consolident la facilité d’accès au littoral, plutôt que de rester prisonniers de nos habitudes des destinations que le fait colonial a façonnées pour nous.

La Transition en cours doit creuser des sillons visibles dans cette perspective. L’histoire nous a rarement donné l’opportunité que nous offre le moment présent pour ce faire.

Comment à imaginer et/ou expérimenter une forme d’intégration plus poussée que l’Union Mali-Ghana-Guinée des pères fondateurs, mais moins le Ghana ? Comment concevoir une coopération plus dynamique et multiforme avec nos voisins du Maghreb que sont la Mauritanie, anciennement membre de la CEDEAO, et l’Algérie ? Telles sont les questions essentielles qui s’imposent à l’analyste de la présente situation.

Le Nord et le Nord-Ouest sont des destinations à explorer à cet égard. Faudrait- il rappeler que le Mali partage avec ces deux pays voisins du nord et du nord-ouest près de 3 700 km de frontière ?

La frontière entre le Mali et la Mauritanie fait 2400km, c’est de Kayes à Taoudeni. Quant à l’Algérie nous avons une frontière longue de 1300 km.

La politique de désenclavement commencée avec succès sous le Président Amadou Toumani Touré doit être poursuivie et consolidée en direction de la Guinée et surtout prendre un élan plus volontariste avec les voisins Algériens et Mauritaniens qui du reste renforcent eux-mêmes, au niveau bilatéral leur coopération économique.

La Mauritanie est déjà économiquement très présente au Mali avec près de 2400 petites et moyennes entreprises.

La CEDEAO dans sa configuration actuelle…

Quant à nos relations avec l’Algérie, elles doivent sortir de l’informel au plan économique pour davantage devenir une affaire d’Etat. La coopération sécuritaire a donné de bon résultat depuis l’indépendance des deux pays, il s’agit maintenant d’évoluer vers plus d’économie dans nos relations.

Ce n’est pas un hasard si les trois pays qui nous ont ouvert les bras, se trouvent être historiquement comme le Mali, des pays jaloux de leur souveraineté depuis les années d’indépendance. En effet, les trois pays qui ont refusé la politique d’hostilité contre le Mali ont l’avantage d’avoir chacun leur propre monnaie nationale.

Il s’ajoute que, humainement et historiquement la Guinée et la Mauritanie ont en commun avec le Mali, d’avoir constitué le cœur des Empires du Ghana et du Mali. Quant à l’Algérie les luttes de libération et les stratégies de consolidation des jeunes nations ont uni nos deux pays aux premières heures des indépendances.

Parallèlement nous devrons travailler à l’évolution institutionnelle de la CEDEAO.

En effet, nombre d’observateurs font le constat que la CEDEAO dans configuration actuelle a fini de jouer son rôle historique, qu’elle doit laisser la place à une autre forme d’intégration plus soucieuse des opinions publiques africaines et qui laisse plus d’espace aux populations.

Les analystes s’étonnent plus de l’absence totale de l’implication des parlementaires de la CEDEAO dans la recherche de solution de sortie de crise des pays en Transition.

Ce qui a donné le sentiment que la CEDEAO manque de capacité de lire l’évolution des pays membres. La vérité est que les humeurs personnelles de certains Chefs d’Etat ont prévalu à la raison et à l’analyse objective des situations. D’où de l’impasse…

C’est dire que cette crise a été le signe révélateur du déclin de la CEDEAO qui devrait désormais gérer son image totalement délavée du fait de son incapacité d’avoir su lire la situation du Mali et surtout de savoir lire le Mouvement du 5 Juin –Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP).

S K

 

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