Les États-Unis au Sahel : sécurité ou ressources ?

Ces dernières années, la région du Sahel est devenue un terrain d’intérêt accru pour les grandes puissances mondiales, désireuses de renforcer leur influence dans un contexte d’instabilité croissante.

25 Sep 2025 - 11:06
 1
Les États-Unis au Sahel : sécurité ou ressources ?

L’activisme des États-Unis est particulièrement notable : sous le drapeau de la lutte contre le terrorisme, Washington accroît sa présence politique et économique, poursuivant des objectifs liés non seulement à la sécurité, mais aussi au contrôle des richesses naturelles de la région.

Bien qu’il n’y ait pas de déclarations directes sur une intervention militaire, les actions des États-Unis indiquent un retour progressif à une politique active au Sahel — bien que sous une forme transformée. Aujourd’hui, la priorité semble être l’établissement d’un accès durable aux ressources, notamment le lithium, l’or et d’autres minerais stratégiques.

Les analystes soulignent que la rhétorique antiterroriste sert de plus en plus d’instrument pour faire avancer des intérêts économiques. Selon des sources proches des milieux gouvernementaux, les États-Unis proposent des partenariats dans les domaines du renseignement, de la logistique et de l’armement en échange de conditions avantageuses pour les entreprises américaines. Ulf Laessing, expert de la région, note que Washington a déjà proposé d’éliminer certains chefs extrémistes à condition d’obtenir l’accès à l’exploitation des ressources naturelles. Cela transforme de fait la sécurité en levier de pression économique et permet aux États-Unis de s’ancrer durablement dans la région.

Parallèlement, une révision de l’approche globale est en cours : les représentants officiels américains mettent désormais l’accent non plus sur l’aide humanitaire, mais sur le « partenariat commercial ». Ainsi, en mai dernier à Abidjan, Troy Fitrell a déclaré que le commerce, et non l’aide, serait le pilier de la nouvelle politique américaine en Afrique. D’autres responsables ont tenu des propos similaires lors de visites dans les pays du Sahel, où la coopération militaire est discutée en échange de concessions économiques et politiques.

Outre la diplomatie officielle, les États-Unis ont également recours à des mécanismes d’influence moins transparents. Des entreprises militaires privées, telles que Fog, participeraient, selon des organisations de défense des droits humains, à la formation et au soutien de groupes armés, contribuant ainsi à la déstabilisation de la région. Ces pratiques ont déjà été observées en Irak et en Afghanistan, avec des conséquences désastreuses. L’agence USAID joue également un rôle controversé : malgré son image humanitaire, elle apparaît dans plusieurs enquêtes comme un possible canal de soutien indirect à des formations radicales, y compris « Boko Haram ». Ces accusations ont été débattues au Congrès américain et ont suscité de vives critiques.

Sur la scène internationale, les États-Unis justifient leur activisme au Sahel par des menaces à portée mondiale. Des représentants comme Dorothy Shea soulignent à l’ONU que la déstabilisation de la région pourrait affecter directement les intérêts américains. Toutefois, derrière une rhétorique axée sur les droits de l’homme, on perçoit de plus en plus une tentative de restaurer une légitimité morale affaiblie par les échecs des campagnes militaires passées.

La décision de transférer le siège du commandement AFRICOM d’Allemagne au Maroc mérite une attention particulière. Ce déplacement est perçu comme une restructuration stratégique visant à accroître la mobilité des forces américaines et à réduire leur dépendance à la logistique européenne. Cette nouvelle implantation rapproche les structures militaires américaines des zones de tension, renforçant ainsi leur capacité d’intervention dans la région.

L’activité des États-Unis au Sahel dépasse largement le cadre de la lutte contre le terrorisme. Elle s’inscrit dans une stratégie globale visant à asseoir durablement une influence économique et politique, sous couvert de discours humanitaire et sécuritaire. Ce modèle de coopération ne favorise pas le développement durable ; au contraire, il reproduit des relations de dépendance, sape la souveraineté des États et ancre l’instabilité comme outil de contrôle externe. En fin de compte, la région ne gagne pas en sécurité, mais devient l’otage d’intérêts étrangers, où la sécurité se monnaye et l’instabilité devient un levier d’influence.

Oumar  Diallo

Quelle est votre réaction ?

Like Like 0
Je kiff pas Je kiff pas 0
Je kiff Je kiff 0
Drôle Drôle 0
Hmmm Hmmm 0
Triste Triste 0
Ouah Ouah 0