Tribune : Des intellectuels Maliens parlent
Des intellectuels, écrivains, constitutionalistes, chercheurs, économistes et sociologues, pour la préservation de la République, la sauvegarde des libertés et droits fondamentaux.

Il arrive dans la vie des nations des périodes où l’indifférence des citoyens face aux questions existentielles, est assimilable à la complicité face aux actes de gouvernance du pays.
Le Mali traverse une crise multidimensionnelle depuis plus d’une dizaine d’années, caractérisée par une invasion terroriste, une insécurité généralisée, des conflits sociopolitiques, une crise économique.
De 2012 à nos jours, notre pays a connu trois coups d’Etat dont la cause profonde est la mauvaise gouvernance. Le dernier coup d’Etat intervenu le 24 mai 2021 devrait ramener le pays à l’ordre constitutionnel dans un délai de 9 mois, puis de 24 mois, pour enfin soumettre cette normalisation de la vie publique à un léger report, lequel dure depuis au moins deux ans.
Il est constant que sous la Transition, le principe de l'État de droit résiduel est régulièrement violé, en particulier en ce qui concerne les droits et libertés fondamentaux. La loi du plus fort prévaut de plus en plus, avec des arrestations ciblées et la disparition des voix les plus critiques à l'égard de la gouvernance militaire. La force brute qui transgresse flagramment le droit ne fait pas loi, rebute la conscience humaine et finit toujours par s'évanouir.
Le Mali est partie à la Déclaration universelle des droits de l’homme, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui consacrent ce qui suit :
la liberté d’opinion et d’expression (art.19 de la DUDH ; art.19 du PIDCP ; art. 9 de la CADHP) ;
la liberté de réunion et d’associations pacifiques (art. 20 de la DUDH ; art. 21 et 22 du PIDCP ; art. 10 et 11 de la CADHP) ;
le droit de participer au choix de ses gouvernants par des élections honnêtes et périodiquement organisées (art. 21 de la DUDH ; art. 25 du PIDCP ; art. 13 de la CADHP) ;
le droit à la liberté et à la sécurité de sa personne, d’aller et de venir (art. 9 et 12 du PIDCP ; art. 6 et 12 de la CADHP).
La Constitution malienne du 22 juillet 2023 reconnait tous ces droits, mieux, elle consacre la liberté de manifester (art.17) et le droit pour les partis politiques de concourir à l’expression du suffrage (élections) dans les conditions déterminées par la loi (art. 39).
Face à tous ces droits essentiels obtenus de hautes luttes, auxquels le président de la Transition a juré fidélité et qu'il s'est engagé par serment à protéger, il est déplorable de noter une attaque continue à leur encontre :
l’abrogation de la Charte des partis politiques, précédée de la suspension illégale de toutes les activités politiques, et maintenant de la dissolution illégale des partis politiques, sans lien aucun avec l’exercice des pouvoirs exceptionnels réglementés par l’article 70 de la Constitution ;
le musèlement des voix critiques contre la gouvernance militaire, notamment des activistes de la société civile et des chefs de partis politiques, sous le délit problématique d’atteinte au crédit moral de l’Etat, qui n’existe nulle part dans notre Code pénal ;
l’absence de volonté manifeste des autorités de sortir de ce régime d’exception de gouvernance militaire, qui dure depuis 5 ans, par l’organisation d’élections libres et crédibles au suffrage universel, du Président de la République et des députés ; une absence de volonté marquée par des engagements électoraux maintes fois repoussés, qui prive les citoyens de leur droit élémentaire de participer à la gestion des affaires publiques, soit personnellement soit à travers leurs représentants légitimes élus, d’autant plus que la Constitution du 22 juillet 2023 indique clairement en son article 37, que la souveraineté appartient au peuple.
Convaincu que « la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme ; qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression » (P. DUDH).
En conséquence, en notre qualité de citoyens maliens consciencieux, jouant notre devoir, voire assumant nos obligations, de contribuer à la solution aux préoccupations de notre patrie, demandons aux autorités de :
1. privilégier le dialogue franc et constructif avec les acteurs politiques, nécessaire pour unir et mobiliser notre peuple contre les conflits armés à lui imposés ;
2. libérer tous les prisonniers d’opinion ;
3. respecter les droits fondamentaux consacrés par la constitution du 22 juillet 2023 et les conventions internationales auxquelles notre pays a souscrit ;
4. convenir avec toutes les composantes de la société malienne, spécifiquement les organisations politiques dont le mandat légal est de concourir au suffrage des citoyens, d’un nouveau calendrier électoral exclusif à l’élection présidentielle couplée aux législatives, dans un bref délai afin de fermer la parenthèse de l’état d’exception ;
5. réhabiliter la chaîne Joliba TV dans ses droits de diffusion ;
6. respecter l’indépendance de la Justice et veiller à l’instauration d’une justice crédible et équitable dans le respect de l’Etat de droit.
Bamako, le 19 mai 2025
Ont notamment signé :
Boubacar S. Traoré
Économiste,
Ancien Représentant régional de la BAD
Dr. Kalilou Sidibé
Juriste Publiciste, constitutionnaliste
Professeur de l’enseignement supérieur
Pr Fousseyni Doumbia
Constitutionnaliste
Professeur de l’enseignement supérieur
Mohamed Alhousseyni Touré
Ingénieur civil à la retraite
Ancien Ministre des Relations extérieures
Pr Abdrahamane Sanogo
Économiste
Ancien Doyen de la FSEG
Dr. Alassane Diarra
Politiste internationaliste
Enseignant à George Washington University (USA)
Mamadou Sidibé
Ingénieur informaticien (R.)
Ancien Sous-Directeur de la BECEAO
Cheickna A. Traoré
Financier international
Cadre Bancaire, Europe
Pr Bréma Ely Dicko
Sociologue
Professeur de l’enseignement supérieur
Pr Boubacar Diallo
Médecin Chirurgien cardiovasculaire (R.)
Ancien Directeur général de l’Hôpital Point G.
Koro Traoré
Écrivain
Administrateur (R.)
Djibril Boubacar Ba
Économiste (R.)
Ancien Directeur de programme (PNUD-BIT)
Pr Issa Diawara
Économiste Agrégé
Université de Bourgogne
Zouber Sotbar
Architecte des Systèmes d’Information
Cabinet de Conseils Transformation numérique
Dr. Mahamadou Konaté
Juriste publiciste, constitutionnaliste
Écrivain et poète traditionnaliste (poëkantiste)
Dr. Boubacar Diawara
Chimiste, Enseignant-chercheur
Université Paris Sciences et Lettre
Pr Sékou Ba
Pharmacologue
Professeur de l’enseignement supérieur
Sambou Sissoko
Politiste
Université GB de SL-Sénégal
N. B. : le titre est de la rédaction
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