Depuis la chute de Douentza, les banques de Sévaré ont fermé pour cause d’insécurité. Malgré le retour des militaires en grand nombre, les établissements bancaires hésitent encore à reprendre correctement du service.
Aujourd’hui, dans la ville de Sévaré, toutes les activités économiques sont au ralenti. Et pire, les projets et autres Organisations Non Gouvernementales (ONG) quittent la ville jusqu’à nouvel ordre en licenciant sur le passage leurs agents. L’argent ne circule plus parce que depuis la chute de Douentza, dernière grande ville à la porte du front avant Sévaré, les établissements bancaires ont fermé. Les populations en souffrent énormément. Tous les chantiers sont aux arrêts. Et Sévaré devient une ville morte. Au lever du soleil, on voit des jeunes, assis devant leurs portes, jouant aux cartes et prenant du thé. « Il n’ya plus de travail à faire », nous fait savoir Adama Togo un jeune étudiant d’une école professionnelle. Contrairement aux années précédentes où les périodes de vacances constituent un tremplin pour les étudiants de faire un peu de sous dans les chantiers, cette année, ces derniers sont arrêtés compte tenu de la difficile situation qui prévaut dans la ville.
Pour le commissaire de Sévaré, Iba Sidibé, « les populations souffrent énormément aujourd’hui avec la fermeture des banques. » « Même pour qu’un fonctionnaire ait son solde mensuel, il lui faut se rendre soit à San ou à Ségou » a-t-il dit. Malgré la délocalisation à Sévaré du Poste de commandement opérationnel, les banques ne sont toujours pas de retour. « Les banques ont besoin du minimum de sécurité pour s’installer dans une ville, or des menaces d’attaque planent toujours sur Sévaré et à tout moment, la situation peut dégénérer», explique le commissaire Iba Sidibé.
Le commissariat de Sévaré est au cœur de la gestion quotidienne des affaires de la cité. Le commissaire Sidibé et ses hommes font preuve d’un grand professionnalisme et de beaucoup de pédagogie pour concilier les différents protagonistes. Au commissariat, des plaintes se multiplient pour non paiement de salaire, cumul d’impayés de factures d’électricité (concernant les hôtels). Les populations ne cachent pas leurs souffrances. Nous avons recueilli le témoignage de quelques uns.
« Si rien n’est fait, la ville va sombrer complètement »
«Nous sommes vraiment dans une situation économique catastrophique aujourd’hui. Les banquiers ne viennent qu’au milieu de chaque mois et ne font que trois jours de travaux. Avec cette situation, tout le monde se bouscule pour avoir rapidement son solde. Je pense que si rien n’est fait, la ville va sombrer complètement ; si ce n’est malheureusement pas déjà le cas avec ce que nous vivons ».
Salif Dembélé, Technicien à l’ORTM Mopti
« Nous voulons que le Gouvernement réagisse et vite »
« Actuellement, on a même peur de faire des commandes car nous n’avons plus de clients. Nos produits que nous épuisions pendant cinq jours peuvent faire maintenant un mois. Comment allons-nous nous en sortir ? J’ai tout mon argent à la BNDA et je n’arrive pas à soutirer un centime. En matière de difficultés, nous sommes pires que ceux qui sont à Gao. Nous voulons que le Gouvernement réagisse et vite pour mettre fin à cette situation ».
Amadou Guindo, Commerçant (vendeur de portables).
« Le gouvernement semble nous avoir oubliés »
« Je n’ai jamais vécu une telle difficulté dans toute ma vie. Je suis à la retraite depuis 1995 à Sévaré. C’est maintenant seulement que je n’arrive pas à trouver mon solde en temps normal. Les banques ne nous servent plus et le gouvernement semble nous avoir oubliés. La vie est actuellement difficile et dans les jours à venir, il faut que l’armée garantisse la sécurité des banques. Sinon, nous allons mourir à petit feu ici ».
Adjudant -chef major à la retraite El Hadj Seydou Togo
« Les Maliens doivent rester unis derrière notre armée »
« Depuis l’aggravation de la crise, je suis sans voiture. Le chef me dit à chaque fois que mon chômage ne va plus durer mais, je ne croie plus à rien. L’affluence de la population a considérablement diminué dans notre service et il n’ya presque plus de missions. Tout dépend de la sortie de crise. Je ne suis pas encore en chômage total mais, ça me fait mal de ne pas faire mon travail. Je lance un appel à tous les Maliens de rester unis derrière notre armée qui est basée actuellement ici à Sévaré. Nos militaires ont trébuché avant, mais ils ne sont pas tombés. Ils vont libérer le Mali de toute cette malédiction. Ils vont me redonner mon travail ».
Seyba Camara, chauffeur
Jean De Dieu Dembélé, Bibliothécaire« Nous avons tous les problèmes du monde à nourrir notre famille.»
« Je conçois la fermeture des banques comme un embargo des banquiers contre les habitants de la Venise malienne car, nous avons tous les problèmes du monde aujourd’hui à nourrir nos familles. On n’arrive pas à toucher nos soldes tandis que d’autres ne font que se battre pour le pouvoir à Bamako. Le temps presse ».
Par Alfousseini Togo, stagiaire,envoyé spécial à Sévaré