Editorial : La semaine des corrompus

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Les Maliens ont dû être surpris d’apprendre la semaine dernière que le ministère de la Justice organisait une semaine nationale de lutte contre la corruption. Et pourtant l’événement paraissait très sérieux dans la mesure où, outre les différents corps de la grande famille judiciaire, de nombreux ministres avaient tenu personnellement à marquer de leur présence la cérémonie d’ouverture et qu’un programme assez étoffé avait été concocté.

Mais pour les Maliens habitués aux gesticulations du pouvoir face au phénomène de la corruption, la semaine nationale de lutte contre la corruption constituait à coup sûr un petit bizness qui devait certainement servir à trouver quelques jetons pour ses organisateurs en cette fin d’année où l’argent se fait plutôt rare. « Ceux qu’on accuse de corruption à ciel ouvert organisent une réflexion sur la lutte contre corruption, on aura tout vu » persiflaient certains de nos compatriotes qui attendent des résultats pour juger sur pièce.

Sans tomber dans la caricature, on peut écrire que sur ce chantier de lutte contre la corruption, les gouvernants se sont embourbés et ne manifestent plus aucune volonté politique visible de couper le mal à la racine. C’est vrai que des chiffres ont été alignés comme ayant été récupérés sur les délinquants. Mais quelle preuve ont les Maliens que ces montants ont été réellement récupérés. Parce que pour les Maliens, la lutte contre la corruption ne peut pas se mener sans le caractère répressif et même spectaculaire qui décourage ceux qui sont tentés de s’en mettre les poches. Approcher discrètement et nuitamment ceux qui sont convaincus de vol pour les supplier de rendre ce qu’ils ont pris malhonnêtement dans les caisses de l’Etat n’est ni payant ni dissuasif. Car, au risque de se tromper, cela pourrait encourager les indélicats dans la mesure où ils ont l’impression d’avoir juste emprunté de l’argent le temps de le remettre en place.

Or dans le cadre de la lutte contre la corruption, les Maliens savent bien que la seule rhétorique et les bons sentiments sont loin d’être efficaces. Tout comme ils savent que les montants récupérés (60 milliards selon le procureur dont la couleur mériterait d’être vue) ne sont qu’une goutte d’eau dans la mer des malversations. Rien que le dernier rapport du vérificateur rendu public au mois d’Août passé relève un manque à gagner de 112 milliards. Pire, les délinquants financiers s’enhardissent jour après jour à cause justement du fait qu’ils peuvent voler en toute tranquillité dès lors qu’aucune poursuite judiciaire avec la publicité qui va avec n’est engagée.

Nous n’allons pas rajouter une couche, mais rappelons simplement que la famille judiciaire est sur la sellette dans cette affaire de corruption. Quand certains juges négocient des honoraires comme des avocats ou que certains avocats marchandent au détriment de leurs clients ; quand le menu fretin est pris dans les mailles alors que les gros poissons déchirent ces mêmes filets ; quand les dossiers sont vidés (nous empruntons)  alors il y a lieu de se demander si organiser une semaine de lutte contre la corruption n’est pas, en plus d’être un aveu d’impuissance, une manière de se donner bonne conscience et de se moquer des Maliens.

  Elhadj Tiégoum Boubèye Maïga

 

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