RFI : Les violences continuent au Sahel, c’est la spirale qui se poursuit ?
Niagalé Bagayoko : C’est la spirale qui se poursuit, et c’est surtout la démonstration que la crise que traverse le Mali est multidimensionnelle, c’est-à-dire qu’on a trop souvent tendance à la lire ou à la présenter comme crise de nature sécuritaire, mais au-delà de son évidente dimension conflictuelle, il y a une dimension politique comme on le constate à travers la contestation du pouvoir du régime actuel, mais également une forte dimension qui touche à la gouvernance et au modèle d’État qui prévaut actuellement au Mali comme le démontre à cet égard par exemple la crise de l’école et la grève des enseignants.
Au Burkina Faso, c’est une fois de plus l’armée qui est soupçonnée d’avoir exécuté des villageois, comment expliquer ces exactions répétées des armées au Sahel ?
Alors il y a notamment quand on discute avec des militaires, des officiers, ils vous expliquent qu’il leur arrive d’arrêter une fois, deux fois, trois fois, des personnes qu'ils soupçonnent d’appartenir à des groupes terroristes et de les voir immédiatement relaxées, donc ils disent voilà, cela, ça nous conduit à les neutraliser, à les éliminer tout simplement. Parmi les autres explications, il y a aussi la méfiance pour dire le moins, qui s’est développée entre les forces de défense et de sécurité sahéliennes et certaines communautés accusées de collusion avec des groupes jihadistes, notamment la communauté peule et cette forme d’hostilité est présentée notamment par les différentes associations de défense de droits de l’homme comme pouvant aussi expliquer certaines des exactions commises actuellement.
Y a-t-il une forme de stratégie ?
Non, à mon sens il n’y a pas de stratégie d’élimination systématique décidée au plus haut niveau politique et stratégique. La question qui se pose, c’est celle de la chaîne de responsabilité : est-ce que ça se situe au niveau de l’état-major, ce dont je doute à titre personnel, ou est-ce que la responsabilité revient à des commandants d’unités, voir au niveau des soldats eux-mêmes à un très bas niveau ? Donc, la question du niveau de responsabilité dans ces exactions est absolument essentielle à établir pour pouvoir comprendre à quel niveau intervenir de manière à les prévenir.
Parce que ces exactions alimentent le terrorisme ?