L’Assemblée nationale a voté à l’unanimité (139 députés sur 139) la semaine dernière la feuille de route du gouvernement présentée par le Premier ministre, Diango Cissoko. Ce ne fut nullement une surprise tant le chef du gouvernement est apprécié par la quasi-totalité des élus.
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Moussa Ag Assarid (d), porte-parole du MNLA[/caption]
Il faut dire que cette feuille de route, qui s’articule principalement autour de deux missions essentielles (reconquête de l’intégrité territoriale et organisation des élections) est suffisamment précise pour ne pas donner matière à contestation. Et ce d’autant plus que cette session de l’AN intervenait à un moment où le sourire était revenu sur les lèvres à la suite de l’intervention française ayant vite permis de reconquérir une bonne partie des territoires occupés. Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt.
En effet, le vote de la feuille de route dans sa globalité présente, de notre point de vue, quelques lacunes de nature à porter atteinte à la bonne marche du système démocratique. Les députés ont, en effet, adopté le document à l’unanimité, il n’en demeure pas moins qu’ils ont fait de nombreuses observations et recommandations dont rien n’indique qu’elles seront prises en compte dans son exécution. Une observation particulière des députés pourrait ainsi souffrir de ce que nous appellerions volontiers une lacune du processus d’adoption de la feuille de route. En effet, certains élus ont clairement manifesté leur hostilité à toute idée d’entreprendre le dialogue avec le MNLA. Or, c’est le contraire qui est préconisé dans la feuille de route : «Le gouvernement continue de privilégier le dialogue avec les groupes qui ne mettent pas en cause l’intégrité territoriale et la Constitution du Mali… » c’est dans cette même logique que le président par intérim, Dioncounda Traoré, a envisagé la possibilité d’entreprendre des négociations avec le MNLA qu’il estime fréquentable par rapport aux autres groupes armés. Or, nul besoin de procéder à un sondage pour se rendre compte qu’en plus des députés, c’est une grande partie de l’opinion nationale qui ne veut pas entendre parler de dialogue avec celui-là même (MNLA) à l’origine du drame que vit notre pays depuis le 17 janvier 2012. Alors, les élus ont-ils été piégés ? Tout porte à le croire. En effet , c’est comme si la France a attendu le laissez-passer de l’AN pour se lancer à la reconquête solitaire de Kidal, après avoir, apparemment, invité le MNLA à occuper les lieux pour se mettre en position de force avant l’entame des pourparlers auxquels elle contraindrait le gouvernement malien qui lui «doit» bien certaines concessions en faveur de ses «amis» touaregs. Des mots pertinemment choisis par le ministre de la défense français. L’Assemblée nationale dispose-t-elle d’un moyen de pression sur le gouvernement dans l’application de la feuille de route ? Rien n’est moins sûr. Pour pouvoir se réunir à nouveau au sujet de la nouvelle donne occasionnée par le «cas Kidal», il faudrait que l’AN soit convoquée en session extraordinaire par le président par intérim. Or cette éventualité est peu probable dans la mesure où il est difficile voire impossible que Dioncounda ne fût pas au courant de ce qui s’est passé. Ensuite le vote de la feuille de route ne s’étant pas fait sur la base d’une adoption «secteur par secteur», mais plutôt dans la généralité, les élus auraient du mal à prouver qu’ils étaient majoritairement contre la disposition qui prévoit des négociations avec certains groupes armés. Certes un certain nombre de députés se sont exprimés soit pour dire qu’ils ne voyaient pas avec qui négocier, soit pour signifier clairement qu’il est hors de question de se mettre à table avec le MNLA, mais aucun vote n’a eu lieu sur ce point précis, ni d’ailleurs sur les autres en particulier. C’est ce qui fait dire à un observateur que les députés se sont simplement défoulés tout en sachant que leurs recommandations ont peu de chance d’être prises en compte, du moins en ce qui concerne les points importants comme la négociation avec certains groupes armés. Leurs points de vue auraient dû préfigurer en amont, c’est-à-dire avant la présentation officielle du document à Bagadadji. Diango Sissoko a clairement indiqué que la feuille de route est le résultat d’une consultation participative, inclusive. En d’autres termes, les élus avaient été consultés avant la présentation officielle du document. Que s’est-il donc passé entre temps ? A moins que les élus, en toute connaissance de cause, ne se soient donné en spectacle pour séduire l’électorat dans la perspective des élections dont la tenue est désormais plus que d’actualité. C’est donc un goût d’inachevé que nous laisse la fameuse feuille de route.
I.Vitalki