Corruption : Comment changer le comportement de nos «Fama» (dirigeants)

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La corruption en Afrique, pourtant omniprésente, est longtemps restée sous-étudiée. En Afrique, 2009, 2010 et 2016, il n’y a pas eu de candidats à la hauteur des exigences du prix Mo Ibrahim pour la bonne gouvernance.

Ces dernières années, la corruption s’est aggravée. Beaucoup de Maliens pensent que le gouvernement ne fait pas assez pour l’enrayer et que les politiques sont les plus corrompus: les fonctionnaires, les parlementaires, les hommes d’affaires, l’entourage du président et les juges. Qu’il s’agisse du policier à un barrage routier qui demande de l’argent, du juge qui négocie son verdict, du journaliste qui vend l’espace rédactionnel au mieux-offrant ou d’un ministre exigeant une commission pour donner feu vert à un investissement.

Pour comprendre le comportement humain, les spécialistes suggèrent de prendre en compte deux éléments fondamentaux : d’une part, les éléments cognitifs et affectifs, d’autre part, les éléments contextuels. La cognition se rapporte aux processus mentaux d’un individu. Les éléments cognitifs incluent donc les connaissances, les attitudes, les motivations, les croyances, les valeurs, les perceptions.

Les éléments contextuels, eux, se rapportent à l’environnement physique, social, culturel, légal dans lequel vit l’individu. Les spécialistes s’intéressent à ces éléments parce qu’ils pensent que c’est là qu’il faut chercher les principaux déterminants du comportement humain. Ce que nous conseillons à nos intellectuels, à nos cadres et à nos décideurs, c’est de se débarrasser du préjugé colonial qui fait du savoir le monopole des seuls individus formés à l’école dite moderne, de faire l’effort de descendre de leur piédestal, d’avoir le courage de faire une critique sans complaisance de nos errements démocratiques, enfin d’avoir l’humilité de parler aux Maliennes et aux Maliens ordinaires de nos villes et villages et de les écouter, surtout celles et ceux d’un certain âge qui ont une grande connaissance de notre culture et de nos traditions.

Le plus tôt, nous commencerons cet échange, mieux cela vaudra. Les nombreuses campagnes d’information et de sensibilisation sur la corruption et la délinquance financière ne font que ressasser des messages sur le caractère illégal et immoral de ces pratiques. Les agents corrompus le savent bien, mais ils continuent pourtant à s’adonner à ces pratiques. Cette sorte de conflit entre leur connaissance et leur comportement est connue sous le terme de «dissonance cognitive».

Dans la vie de tous les jours, les individus résolvent le plus souvent ce conflit de la façon suivante: ils sont plus portés à trouver de bonnes raisons d’agir comme ils le font plutôt que de modifier leur comportement pour les accorder à leur connaissance. Le fumeur invétéré dira qu’il connaît de nombreux fumeurs qui ont dépassé la soixantaine et qu’il faudra bien mourir un jour de quelque chose. Le corrompu endurci dira que l’honnêteté ne l’aidera pas à construire sa villa et à envoyer ses parents aux lieux saints de l’Islam, et qu’il connaît de nombreux cadres intègres qui vivent dans la misère noire.

L’influence de l’environnement social compte pour beaucoup dans la persistance et la perpétuation des pratiques de corruption et de délinquance financière. Cette influence prend plusieurs formes. Il y a d’abord l’imitation: mon voisin ou mon ami d’enfance mène un train de vie princier et est considéré comme un «douawaou den» (enfant béni) parce que sa générosité s’étend à ses proches, à son entourage, aux notables du quartier, etc.; pourquoi pas moi ?

Selon le chercheur Robert Cialdini, l’imitation est un phénomène tout à fait humain. Supposons qu’en marchant un jour dans une rue vide, vous rencontriez tout à coup sur votre chemin quatre (04) ou cinq (05) personnes qui ont la tête levée et regardent tous en l’air. Que ferez-vous, franchement ? Pour Cialdini, la réponse est simple: vous allez lever la tête, vous aussi, pour regarder en l’air. Cette disposition naturelle chez les humains, il la désigne sous le terme de «loi de la comparaison».

La deuxième forme d’influence, c’est la mentalité ambiante qui se fonde sur un certain nombre de convictions plus ou moins ancrées dans notre société: voler l’État, ce n’est pas voler car le bien public n’appartient à personne; détourner les fonds publics pour se servir et servir sa famille, son entourage, les ressortissants de son village est un acte noble; dénoncer les auteurs des actes de corruption et de délinquance financière relève de l’égoïsme; les campagnes de lutte contre ces pratiques ne servent qu’à amuser la galerie car ce sont les «Fama» (dirigeants) eux-mêmes qui s’adonnent à ces pratiques; les filets des services de sécurité et de l’appareil judiciaire attrapent surtout les menus fretins et laissent passer les gros poissons.

À titre illustratif, les aides à la presse (2019, 2020 et 2021) ont été détournées et l’État est incapable d’ouvrir des poursuites judiciaires, comme il vient de le faire avec des parlementaires indélicats (17 milliards de F CFA volatilisés). L’aide à la presse est un fonds à partager entre les organes de presse. Elle a été instituée depuis 1996 sous forme de subventions annuelles accordées par la présidence de la République aux organes de la presse écrite et audio-visuelle qu’ils soient publics ou privés.

Actuellement, elle est règlementée par le Décret N°03-264 du 7 juillet 2003 et son Arrêté d’application N°04- 1549 du 3 aout 2004. Ces deux (02) textes fixent les critères d’éligibilité, de répartition et de détermination des montants des allocations. Le montant forfaitaire alloué chaque année par l’État se chiffre à 200 millions de F CFA. Un montant de 291 millions de F CFA a été versé par dans les comptes de la Maison de la presse. Jusqu’ici, aucun organe n’a reçu ses fonds.

Le gouvernement est interpellé pour faire toute la lumière sur la destination finale des fonds. La Maison de la presse serait au centre d’un détournement des fonds COVID-19, aides 2019, 2020, 2021, etc.

En définitive, pour réussir un changement de comportement dans le domaine de la corruption et de la délinquance financière, il faut agir à la fois sur l’individu et sur l’environnement social. Si les dirigeants politiques et les responsables administratifs faisaient montre de droiture, d’intégrité et de rigueur dans la gestion de la chose publique, leur comportement exemplaire ferait certainement plus de «convertis» que les slogans des campagnes de sensibilisation sur la corruption.

Si la loi frappait dans toute sa rigueur les fautifs quel que soit leur rang social ou leur coloration politique, cela dissuaderait certainement plus d’un de leur emboiter le pas. Si les partis politiques expliquaient aux populations que lorsque l’État construit des routes, augmente les salaires des fonctionnaires, équipe les services de sécurité, décrète la gratuité de la césarienne, ce sont moins les dirigeants que les contribuables qui ont fait un «effort» et un «sacrifice», ces populations comprendraient que les ressources publiques sont simplement gérées par les dirigeants, mais elles ne leur appartiennent pas.

Curieusement, l’idée que les ressources de l’État sont la propriété du gouvernement se rencontre même chez nos députés. Lors des déclarations de politique générale du Premier ministre, certains députés en viennent à pleurnicher pour demander, qui la construction d’une usine ou d’une route, qui l’installation du réseau téléphonique ou télévisuel, qui la desserte en électricité ou en eau dans leur localité, alors que même qu’aux termes de la Constitution, il leur revient à eux députés, de dicter au gouvernement les modalités de la perception et de l’utilisation de l’argent des contribuables. Autrement dit, le gouvernement ne peut ni recouvrer, ni dépenser un seul franc, sans le vote de la loi des finances par l’Assemblée nationale.

Safounè KOUMBA

 

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19 COMMENTAIRES

  1. La seule manière de lutter contre cette gangrène de nos autorités depuis la nuit des temps est de punir sévèrement et c’est tout, c’est seulement çà qui peut dissuader les malfrats de nos pays. John Jerry Rowling du Ghana a puis mettre ce pays en route par des sanctions sévères et tuant même ceux qui doivent être tués et c’est tout. Il faut sévir uniquement et c’est tout. Tans qu’ion ne punira pas sévèrement, il n’y aurait pas de solution.

  2. CEUX QUI TRAHISSENT LEURS ANCÊTRES ETMLEURS CODES LEURS TERRES, CEUX LÀ PEUVENT TOUT FAIRE, C EST LA PREMIÈRE CORRUPTION LA CONVERSION EN UNE AUTRE CROYANCE, S ALLIER AUX ANCÊTRES DES ÉTRANGERS. …

  3. Le personnel politique africain a plus d’un demi-siècle d’entraînement au vol organisé. Ce n’est pas demain que le problème sera réglé, surtout si l’on songe qu’on se tourne, aujourd’hui vers un monde russe où la corruption gangrène toutes les couches de la société.

  4. Dans un pays islamisé ou christianisé ou simplement abrahamisé, le pouvoir est donné par dieu le dieu des abrahamistes, mais puisque ce même dieu donne la richesse, alors un pauvre qui obtient le pouvoir de lui, a le devoir de s enrichir au moins par ses propres moyens, il n ya pas en abrahamisme un pouvoir de pauvre homme, car la population ne saurait quémander chez un pauvre en implorant un dieu qui detient tout tout et tout, alors les pauvres iront chez le riche qui bientôt éliminera le pauvre et son pouvoir que dieu lui a pourtant donné.
    VOUS AVEZ DEVINÉ, DIEU C EST CELUI QUI A LA RICHESSE, QU IMPORTE PAR QUEL MOYEN, LE PEUPLE ABRAHAMISÉ,ISLAMISÉ OU CHRISTIANISÉ VOIT SEULEMENT LA RICHESSE MATÉRIELLE, SI TU NE L A PAS IL FAUT FAIRE TOUT POUR L AVOIR, ALORS LES CHIENS S’ ENTRE DÉVORENT ET DÉVORENT LE BIEN DU PEUPLE.

    LIBERONS NOUS DES ARABES ET DES CHRÉTIENS C EST PLUS IMPORTANT QUE SE LIBÉRER DE LA FRANCE.

  5. Nul ne peut changer le comportement des Fama quand elles ont comme référence l’armée Russe qui est l’armée la plus corrompue du monde.

    • yugo tu veux nous dire l’Armee de l’Ukraine et de la maudite France remplie de PD et de pedophiles tres incapables et tres incompétents!

    • Il ya des armées qui ont le double ou plus de fois le budget de l armée russe, mais ce sont des armées qui ne valent rien, puisqu elles sont gonflées pour corrompre justement

  6. SAFOUNEH, FAMA C EST RICHE, DIRIGEANT OU LEADER C EST NYEHMOKOH, ALORS J ESPERE QUE TON INTENTION N EST PAS DE FAIRE FAIRE LA CONFUSION ENTRE FORCES ARMÉES MALIENNES (FAMA) QUI SONT NOS BRAVES DIRIGEANTS AUJOURD’HUI.
    😁LA CORRUPTION PRIMAIRE C EST LA CONVERSION DANS LES RELIGIONS DES NAA MAAW ET DES NAA MAA DENW, ISLAM ET CHRISTIANISME COMME AUTRES, APRÈS LA CONVERSATION DANS LES RELIGIONS IMPORTÉES TOUTES LES AUTRES FORMES DE CORRUPTIONS NE SERONT QUE DES CONSÉQUENCES DE LA PRIMAIRE😁

  7. 1- Pourquoi en Europe personne (les Africains)n’ose proposer de l’argent à un policier lors d’un contrôle de routine, par ex en circulation, craignant évidemment à aggraver la situation, mais qu’en Afrique cela va de soit…!!!!!

    2- Pourquoi en Europe on (les Africains)observe strictement le rang dans un supermarché, une banque, poste…et c’est le contraire chez soi, parce qu’une connaissance au guichet aurait fait signe…!!!!

    3- Pourquoi en Europe on se fait rembourser la centime qui reste, alors qu’en Afrique on la garde en pensant que cela ne vaut pas la peine à rembourser la petite monnaie restante…!!!!

    4- Pourquoi aucun propriétaire de maison en Afrique ne verse un centime à l’État, détenteur du foncier…!!!!!

    5- Pourquoi en Afrique on les deux à la fois: procédures de détournements et détournements de procédures et cela indépendamment de régime dit démocratique, dictatorial ou même de chefferie administrative…!!!!

    6- Pourquoi c’est partout le même système de corruption généralisée enchâssé dans un même système de dysfonctionnement généralisé de l’administration…!!!!

    • La corruption est etrangere a l Afrique, elle est importée, le policier européen se moque de quelle mains noires ou blanches ce doit être beaucoup, c est tout…

  8. …Corruption en Afrique: un chantier socio-anthropologique:

    1- relations entre fonctionnaires et usagers des services publics; des itinéraires administratifs ou de l’éthique de la fonction publique…!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    2- un fonctionnement informel généralisé des administrations: douanes et transports,justice, santé, marchés publics, projets de développement…!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    3- une sémiologie populaire qui se trouve à la base de légitimation de la corruption, observée dans un processus professionnel, social et culturel…!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    4- une émergence de formes de privatisations internes inédites et à l’institutionnalisation rampante de l’informel comme mode de gestion de l’État au quotidien….!!!!!!!!!!!!!

    – Dans l’entendement africain corrompre veut dire: s’approcher sans se rendre compte, et changer sans en avoir conscience…!!!!!!!!!!!!!!!!!

  9. Tres bon article. Il faut du courage, des actions de tous et toutes au sein de la société pour changer ls pratiques de corruption qui constituent un cancer pour notre société.

  10. Nous avons un phénomène qui a commence depuis les indépendances mais tres sévèrement puni par la loi en ces temps, ensuite il a grandi sous le regime de GMT, puis il a gagne son point culminant sous la democratie Malienne avec ADEMA-PSJ, PARENA-RPM qui est devenue une ‘kleptocratie’. Alors soyons clairs qu’a un problème multidimensionnel il faut des solutions multidimensionnelles: 1) il faut éduquer les populations Maliennes a tous les niveaux et de tous les ages pour qu’elles comprennent que voler n’est pas digne, ou honnête ou vertueux et qu’en volant on ne peut construire une Nation ou un Etat, 2) Il faut une justice forte, limpide et independante, et 3) il faut mettre sur place des systems qui minimisent les opportunités pour voler ou pour corrompre, un simple exemple est les transactions sans liquidités dans ces conditions l’argent liquide ne circule pas et les payments/transactions deviennent par cartes de payments ou de credits et seront traçables tres facilement. Ces trois moyens de prevention et de correction de la pratique de la corruption sont tres possibles au Mali.

  11. Tout est dit dans cet article objectif et censé
    La corruption endémique et systémique dévore les pays africains sans équivalence ailleurs
    Les excités en tout genre feront sans doute références à d’autres pays, mais cela ne supporte aucune équivalence avec l’Afrique

  12. Une seule solution !!!!! L’application stricte de la loi!!!!!! Mais cela passe par un secteur judiciaire loyal et sérieux. Alors il faut d’abord assainir la justice malienne avant toute chose.

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