Rapport du Fonds Mondial sur le Mali (21 avril 2011) - 1: Plus de 10 000 documents faux, fictifs ou frauduleux découverts
L’affaire Fonds Mondial n’a pas encore livré tous ses secrets, loin s’en faut. Pour mieux vous édifier, 22 Septembre s’est procuré une copie du dernier rapport de l’OIG (Bureau de l’Inspecteur Général) et vous propose d’en découvrir en exclusivité le contenu. Il est plus qu’instructif! La traduction est de notre main, et nous avons gardé les acronymes d’origine. Première partie de ce document explosif.
Ce rapport présente les résultats d'une enquête conduite entre février 2010 et février 2011 par l'unité d'investigations de l’OIG sur quatre subventions du GF (Global Fund) au Mali, à savoir les Rounds Malaria 1 et 6 et les Rounds 4 et 7 pour la tuberculose (TB).
Résumé
En conclusion, l'OIG a déterminé que $5.2 millions, soit 53 % des $9.7 millions des subventions concernées, ont disparu, par suite de fraudes ou de violations de l'accord de concession. 4.1 millions de $ sur les fonds manquants sont imputables à des fraudes commises par des fonctionnaires, des bénéficiaires principaux, un cabinet d’expertise comptable recruté pour surveiller le programme et des centaines de fournisseurs de biens et de services, par le biais de fausses factures indûment acquittées. L’OIG a lancé ses investigations à la suite d’une série de contrôles exécutés en 2009. Tout d'abord, les résultats d’un audit externe commandé par le ministère de la Santé du Mali (MoH) ont amené le département à surveiller le comptable chargé des programmes Malaria et TB financés par les subventions et à constater qu'il avait établi des chèques à son propre avantage et falsifié les relevés de banque correspondants. La fraude décelée par l'audit externe n’était qu’une petite fraction des fraudes finalement découvertes par l'OIG, par des moyens légaux de recherche et d'autres, comme détaillé dans ce rapport.
Après cet audit externe, l’Unité Audit de l'OIG a alors audité les subventions en octobre 2009, trouvant de sérieuses insuffisances internes aux niveaux de la comptabilité et de la trésorerie des programmes de Malaria et de TB. La perte initiale identifiée par le MoH se montait à approximativement 270 000 USD (USD) et une enquête additionnelle du ministère a, en mars 2010, trouvé 34 000 USD additionnels à recouvrer. Au vu de ces résultats (et sur la base de l’accord de subvention NDLR), le MoH a remboursé au GF 304 000 USD en mars 2010.
Les faits ont été référés à l'unité d'investigations de l'OIG pour une recherche approfondie sur la gestion des subventions, basée sur les indices sérieux de fraude qui avaient été identifiés. L'OIG a commencé ses investigations relatives aux subventions en février 2010, avec les objectifs de: (i) découvrir et identifier la nature, la portée et l'ampleur des fraudes et détournement des fonds du GF, (ii) identifier les participants aux prévarications et les structures responsables, et (iii) déterminer les montants et les localisations des fraudes et des détournements afin d'effectuer des recouvrements, de sorte que les fonds perdus soit rapatriés et mis à la disposition des bénéficiaires prévus, à savoir les patients souffrant des trois maladies. L'OIG a audité à peu près 9.7 millions d'USD sur les 13 millions décaissés au bénéfice du pays en liaison avec ces subventions particulières.
Ce rapport ne prend pas en compte pas la recherche en cours de l'OIG sur les subventions HIV du Mali (approximativement USD 56 millions), qui ont été contrôlées par un bénéficiaire principal différent (P.R.), appelé Groupe Pivot. L’enquête n’est pas encore terminée. Cependant, les investigateurs de l'OIG ont retrouvé des modèles semblables de fraude dans ces subventions aussi.
Notice méthodologique
ll faut souligner, au plan méthodologique, que l'OIG a conduit une recherche approfondie sur l’utilisation des fonds de subventions attribués à deux bénéficiaires principaux (P.R.), le Programme national de lutte contre la TB et la lèpre (PNLT) et le Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), afin de rédiger un rapport d’investigations clair et complet sur les fraudes et atteindre les objectifs identifiés ci-dessus.
En raison des insuffisances substantielles dans la comptabilité et la tenue d'archives des programmes, ainsi qu’en l’absence de documentation justificative pour les nombreux retraits effectués dans le cadre de ces programmes, en violation des conditions de l'accord avec le GF, l’OIG a été prié de passer un temps significatif et de recourir à toutes les ressources nécessaires pour recréant un fichier électronique des décaissements et dépenses effectués par ces programmes, afin de déterminer comment les subventions accordées avaient été utilisées et d’en faire une revue détaillée. La confirmation de l'existence, ou de la non-existence, de fraudes n'aurait pas été possible sans ces étapes et les utilisations réelles des fonds des subventions continueraient à demeurer en grande partie inconnues. Au cours de ses recherches, l'OIG a identifié plus de 10 000 documents faux, fictifs ou frauduleux, employés par, ou soumis à, ces programmes.
Si un système suffisamment robuste avait été mis en place avec la mission de contrôler les décaissements des fonds des subventions, une grande partie des fraudes aurait pu être découverte plus tôt, et l’enquête aurait était conclue beaucoup plus rapidement. L'OIG a finalement collecté, scanné et numérisé, avant analyse, plus de 50 000 pages de documentation venant des deux programmes. Les investigateurs de l'OIG ont interviewé près de 1 000 individus, y compris des membres des staffs des programmes paludisme et tuberculose, des tiers cités comme fournisseurs dans les documents soumis aux déboursements indus de fonds de subventions, le personnel des structures responsables de la surveillance des programmes, y compris l’agent local du Fonds (le LFA), l’instance nationale de coordination (le CCM), et le personnel du GF.
Fraudes et abus découverts
A l’issue de son enquête, l'OIG a constaté qu'entre mai 2004 (peu après le début de la première subvention et avril 2010, de hauts fonctionnaires, des membres du personnel de gestion financière des programmes et des agences de mise en œuvre (Direction de l'administration et les finances (DAF), le PNLT et le PNLP), avec l'appui effectif ou en connaissance de cause des bureaux régionaux du MoH (Directions Régionales de Santé), ainsi que des tiers fournisseurs, ont été impliqués dans un large mécanisme visant à détourner des fonds des programmes du GF, et ont spolié le GF et les deux programmes d’au moins $5.2 millions, soit 53 % des 9.7 millions de subventions contrôlés.
L'OIG a aussi constaté que plus de USD 4.1 millions (soit 42 % des fonds enquêtés) ont été perdus par des actes criminels de fraude et de détournement commis par les nombreux participants. Les pratiques identifiées incluent des efforts significatifs et continus de: (i) détournement des fonds des subventions des comptes bancaires des programmes à l’aide de faux rapports, faux documents; transferts et décaissements non autorisés et inexacts des fonds, y compris des paiements au comptable de programme; (ii) fabrication de faux documents relatifs aux dépenses; (iii) surfacturations et détournements importants des capitaux de programme, et (iv) pratiques en matière de fourniture de biens et de services teintées de collusions manifestes, fraude, et autres violations.
En outre, l’enquête a déterminé que 1.1 million USD (11 % des fonds de subvention examinés) ont été perdus, en violation des dispositions de l’accord de subvention du GF, car les retraits ne sont accompagnés d’aucune documentation justificative (en dépit des occasions et des demandes répétées de fournir une telle documentation). Enfin, 120 000 USD (1 % des fonds enquêtés) ont été dépensés pour acquérir un prétendu laboratoire pour la TB, pratiquement vide et non conforme aux normes de sûreté. L'équipement, acheté il y a plus d'un an, et prévu pour être employé dans ce laboratoire, repose, inutilisé, dans un entrepôt.
L’enquête de l’'OIG a inclus un examen des dépenses effectuées jusqu'au 31 décembre 2009. La SEC Diarra, l'agent fiduciaire externe recruté en dernière instance, a informé l’OIG qu'elle avait trouvé davantage d'évidences de fraudes, en particulier dans la surfacturation des marchandises et des services et la surévaluation du temps passé en missions de supervision, dans la documentation soumise par PNLP pour le premier trimestre 2010, après que la recherche d'OIG ait commencé. Cependant, cet agent fiduciaire n'a pas détecté une pléthore de factures frauduleuses, pourtant en sa possession, qui ont été plus tard prouvées fausses par l'OIG.
Appropriation frauduleuse de fonds déposés en banque
Les 1.3 million USD détournés directement des comptes bancaires des programmes l’ont été par des employés et des hauts fonctionnaires de la DAF de MoH. Ces fonctionnaires étaient responsables de la trésorerie et de la comptabilité des programmes et ont abusé de leur autorité pour détourner et voler des fonds de programmes. Comme l’a découvert l'auditeur externe du MoH, le comptable de la DAF chargé de contrôler les fonds de subvention du GF, l'Individu A, a falsifié des chèques pour lui-même, à remplaçant les noms des bénéficiaires approuvés par «au porteur», avant de les encaisser. Le comptable de la DAF a également frauduleusement endossé des chèques destinés à des tiers, convertissant de ce fait les fonds à son propre avantage.
L'OIG a également constaté que le personnel de la DAF avait effectué des retraits inadéquats, en circonvenant les contrôles internes, et que la quasi-totalité de ces retraits étaient complètement non justifiés ou justifiés par des documents dont l’OIG a prouvé qu’ils étaient frauduleux. Vers la fin 2007, l’Individu E a malencontreusement donné au comptable de la DAF, l'Individu A, procuration pour entreprendre des transactions et opérations bancaires sur les comptes bancaires des programmes, violant de ce fait le principe universel de base de la séparation des fonctions financières. En conséquence, l’Individu E a été détenu par les autorités maliennes pour négligence dans les tâches à lui assignées vers la fin 2009. En outre, l’OIG a constaté que le personnel de la DAF envoyait des chèques directement au comptable de la DAF ou lui remettait de l'argent comptant, en violation de la politique de la DAF.
En conclusion, l’OIG a relevé des transferts frauduleux ou non justifiés d'argent comptant faits par le régisseur de la DAF, l’Individu F. L’OIG a noté une corrélation significative entre les retraits en banque détournés par la DAF et la documentation frauduleuse des dépenses fournie par les fonctionnaires des programmes Malaria et TB.
A suivre…
Ramata DIAOURE
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