Situation sécuritaire au Centre : grand oral à l’assemblée nationale

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Les députés de la majorité et de l’opposition ont exprimé de vives inquiétudes face à la situation
Les députés de la majorité et de l’opposition ont exprimé de vives inquiétudes face à la situation

Aux inquiétudes des élus de la Nation, le Premier ministre s’est voulu rassurant en donnant des explications sur les enjeux de la crise.

Malgré les efforts du gouvernement, les actes terroristes et les tensions intercommunautaires persistent au Centre du pays, singulièrement dans la Région de Mopti où nos compatriotes sont régulièrement endeuillés par des tragédies.

Cette spirale infernale de violences se poursuit en cette année 2019, apportant de nouveaux lots de victimes civiles et militaires. Au-delà des pertes humaines, c’est toute l’économie de la région qui est mise à genou et les biens des populations sont vandalisés à la suite d’attaques barbares. Pour être éclairée sur les contours de cette actualité tragique, la Représentation nationale a décidé d’interpeller, hier, le gouvernement. Le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga était donc devant les députés pour apporter des réponses aux inquiétudes soulevées par les députés et, partant, rassurer l’opinion nationale.

Tour à tour, des élus de différents groupes parlementaires se sont succédé au pupitre pour exprimer leurs préoccupations, assorties parfois de propositions de pistes de solutions. Qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, tous les députés conviennent de la gravité de la situation sécuritaire au Centre et de la nécessité d’apporter urgemment les réponses appropriées.

Certains, notamment du groupe RPM (Rassemblement pour le Mali), ont souligné les efforts consentis par le président de la République et le gouvernement, mais qui s’avèrent encore insuffisants face au cycle infernal de violences intercommunautaires. Ainsi ont-ils souhaité en savoir davantage sur les causes profondes de cette crise, les mesures en cours ou envisagées par le gouvernement pour venir à bout de ce mal sécuritaire.

D’autres élus ont clairement affiché leur incompréhension face au fait que les milices (Dogon et Peulh) détiennent toujours des armes de guerre, et l’absence des forces de défense et de sécurité dans des localités où la tension reste palpable. Aussi, des députés ont mis à l’indexe les enlèvements de personnes, les assassinats ciblés, les pillages…

Le problème est plus sérieux qu’on ne le croit, dira Issa Togo du groupe ADEMA, citant 67 villages et hameaux du cercle de Bankass qui ont été «carrément effacés de la carte du Mali», selon ses termes. Les solutions préconisées, dans la foulée, portant notamment sur le désarmement immédiat des milices, l’organisation des assemblées d’information dans chaque village du Centre, la multiplication des appels au calme au niveau des communautés, la densification de la présence des forces de défense et de sécurité…

En réponse aux interrogations, le chef du gouvernement a d’abord exposé l’approche et l’analyse que l’État fait du contexte dans lesquels ces violences se déroulent. En effet, a-t-il soutenu, il est impossible de comprendre ce qui se passe, si on ne le restitue pas à l’action des forces «qui nous sont contraires, qui n’ont pas changé d’agenda, à savoir désintégrer notre pays». Dans cet agenda, dit-il, les violences entre les communautés sont un mode opératoire privilégié pour favoriser leur expansion territoriale. A ce propos, Soumeylou Boubèye Maïga a fait le lien entre les évènements au Centre et ceux qui ont engendré l’occupation du Nord en 2012.

LE PIÈGE COMMUNAUTAIRE – Le mode opératoire est le même : les groupes terroristes et mafieux ont œuvré à créer un vide administratif d’abord, en s’en prenant à tous ceux qui incarnent l’État. Puis, de manière méthodique, ils ont procédé à une destruction progressive de tout le tissu économique et social. Et les populations ont été impliquées dans une spirale d’économie de trafic. «Tant que nous n’allons pas intégrer et comprendre définitivement le fait que les violences entre les communautés sont suscitées, entretenues et exacerbées de manière à détruire la cohésion de nos société, nous risquons de tomber dans le piège communautaire qui va détruire le consensus sur lequel notre nation repose», a-t-il prévenu. Aussi, le Premier ministre a précisé que le cas de notre pays doit être situé dans un ensemble régional. En effet, durant l’année dernière, 577 violences intercommunautaires ont été suscitées par les djihadistes dans la sous région (Niger, Burkina Faso, Nigéria, Mali et Ghana). Spécifiquement, notre pays a enregistré 52 évènements suscités par les mouvements terroristes, qui ont provoqué beaucoup de victimes : 203 victimes civiles, rien que dans la zone de Ménaka.

Face à la situation, l’État a développé et mis en œuvre des stratégies. Il fallait a priori procéder à une réoccupation de cet espace, en renforçant les capacités et les effectifs des forces. Selon Soumeylou Boubèye Maïga, en 2018, près de 13000 hommes ont été déployés, dont la moitié dans le centre du pays. «Ce qui a permis d’amener plus de sécurité qu’avant », s’est-il réjoui. Cet effort militaire s’est consolidé à travers un programme spécial, dénommé Programme de sécurisation intégré des régions du Centre qui a permis de procéder à un maillage presque complet du Centre. Entre autres, 16 nouveaux postes (pour la garde et la gendarmerie) ont été créés dans la région de Mopti. Et les moyens de mobilité des hommes ont été renforcés.

Des cadres de dialogue ont été également mis en place pour essayent de récupérer tous ceux qui renoncent à la violence. Et c’est dans cette optique qu’un programme spécial de réduction de la violence intercommunautaire a été initié pour le Centre. A ce jour, plus de 600 jeunes ont adhéré à cette initiative. Et les opérations d’enrôlement, a informé le chef du gouvernement, se poursuivront jusqu’à la fin de ce mois. Parallèlement, les opérations de désarmement se poursuivront. Déjà, 444 armes, dont des armes de guerre ont été récupérées dans la Région de Mopti. Autre mesure phare soulignée par Soumeylou Boubèye Maïga, est l’interdiction de circulation d’engins à deux roues et de 4×4 dans certaines localités. Les résultats de cette restriction seront bientôt évalués, a-t-il annoncé.

Au-delà de l’aspect sécuritaire, le gouvernement a initié un certain nombre de projets de développement. «Certains n’ont pu démarrer, mais beaucoup sont contrariés par l’insécurité», a regretté le Premier ministre. Des efforts sont aussi faits pour rouvrir toutes les écoles fermées du fait de l’insécurité. Et au niveau de l’administration territoriale, « nous avons pu affecter dans les régions concernées tous les préfets et sous-préfets », a assuré le chef du gouvernement, ajoutant que cette dynamique visant à stabiliser tout le Centre sera maintenue.

Issa DEMBÉLÉ

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