Me Tall, coordinateur du collectif d’avocats : « Cette bataille judiciaire vise aussi à donner au peuple malien les moyens d’évaluer sa justice

La semaine judiciaire qui s’achève a été particulièrement intense à Bamako. Entre le procès de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, les recours contre la dissolution des partis politiques et les poursuites visant deux membres du Conseil national de Transition (CNT), les avocats engagés pour la défense de la Constitution et des libertés fondamentales multiplient les fronts pour faire respecter l’Etat de droit au Mali.

7 Octobre 2025 - 03:35
 1
Ecouter cet article
Me Tall, coordinateur du collectif d’avocats : « Cette bataille judiciaire vise aussi à donner au peuple malien les moyens d’évaluer sa justice
00:00
Me Tall, coordinateur du collectif d’avocats : « Cette bataille judiciaire vise aussi  à donner au peuple malien les moyens d’évaluer sa justice

Selon les avocats, cette bataille judiciaire ne vise pas seulement à obtenir justice dans ces affaires précises, mais à « donner au peuple malien les moyens d’évaluer sa justice et de juger ceux qui sont chargés de le juger ».

Le lundi 29 septembre 2025, le Pôle national de lutte contre la cybercriminalité (PNLC) a ouvert le procès de Moussa Mara, ancien Premier ministre, poursuivi pour un message publié sur le réseau social X ( Twitter). A cette occasion, un dispositif de sécurité important a été déployé pour l’occasion.

Les débats, souvent vifs mais courtois, ont opposé le ministère public aux avocats de la défense, parmi lesquels Me Lala Gakou, Me Mamadou Camara, Me Mariam Diawara, Me Yayé Mounkaïla (Bâtonnier du Niger) et Me Mountaga C. Tall, selon le communiqué publié sur la page facebook de Me Tall. 

Malgré le caractère mineur du dossier réduit à un seul tweet, la législation malienne interdisant la détention préventive pour un délit de presse, et les solides garanties de représentation de l’ancien Premier ministre, la demande de mise en liberté a été rejetée. Le parquet a requis 24 mois de prison ferme, tandis que la défense a plaidé la relaxe pure et simple.

Le jugement a été mis en délibéré pour le 27 octobre prochain. En attendant, Moussa Mara devrait passer près de trois mois en détention préventive, une décision dénoncée par ses avocats comme arbitraire et injustifiée.

Dissolution des partis : les recours se multiplient

Autre front judiciaire : celui des recours contre la dissolution des partis politiques. Les avocats Me Mamadou Camara, Me Mamadou I. Konaté, Me Alassane Diallo et Me Mountaga C. Tall pilotent plusieurs procédures parallèles visant à contester la légalité de la décision des autorités de transition.

Selon le communiqué de Me Tall, trois objectifs principaux guident leur action :

1. Tester la solidité des institutions judiciaires et leur attachement à la Constitution ;

2. Obliger les juridictions à assumer leurs responsabilités et à rendre des comptes au peuple ;

3. Contraindre les autorités à respecter les libertés publiques et l’État de droit.

La première étape : les recours devant les Tribunaux de grande instance (TGI) « a été jugée satisfaisante. Notamment, la décision du TGI de la Commune I permet de transmettre à la Cour constitutionnelle la loi abrogeant la Charte des partis politiques, socle du décret de dissolution ».

Même si d’autres tribunaux (Communes III, IV, V et VI) ont déclaré les requêtes irrecevables ou se sont déclarés incompétents, les avocats ont interjeté appel, estimant que la Cour d’appel devait participer à ce débat démocratique majeur.

En parallèle, un recours pour excès de pouvoir est en cours devant la Section administrative de la Cour suprême, qui devrait bientôt fixer une date d’audience.

Poursuites contre deux membres du CNT

Enfin, un troisième dossier judiciaire agite l’actualité : celui de deux membres du Conseil national de Transition, Moulaye Keita et Biton Mamari Coulibaly, poursuivis devant le PNLC. L’audience du 2 octobre 2025 a été renvoyée au 27 novembre 2025 après la fixation d’une consignation de 5 500 000 F CFA, un montant jugé exceptionnellement élevé.

Selon Me Tall, la présence ou l’absence des prévenus n’aura pas d’incidence sur la tenue du procès à la date prévue.

Pour Me Mountaga Tall, coordinateur du collectif d’avocats, ces procédures marquent un tournant. « L’étape de première instance a été franchie avec succès. La Cour d’appel sera saisie par principe, la date d’audience devant la Cour suprême est attendue, et la saisine de la Cour constitutionnelle est désormais inéluctable », a-t-il déclaré.

Selon lui, cette bataille judiciaire ne vise pas seulement à obtenir justice dans ces affaires précises, mais à « donner au peuple malien les moyens d’évaluer sa justice et de juger ceux qui sont chargés de le juger ».

Une bataille de principe

Entre un ancien chef de gouvernement emprisonné pour un « tweet », des partis politiques dissous en violation présumée de la Constitution, et des membres du CNT poursuivis, les avocats maliens ont décidé de transformer les tribunaux en terrain de défense des libertés.

Leur détermination reste intacte : « Ni an bi taa, an bi se » (« Nous irons jusqu’au bout »), martèlent-ils. Car pour eux, cette bataille dépasse les individus pour devenir celle de tout un peuple en quête de justice, de démocratie et d’État de droit.

Mohamed Keita

 

Quelle est votre réaction ?

Like Like 0
Je kiff pas Je kiff pas 0
Je kiff Je kiff 0
Drôle Drôle 0
Hmmm Hmmm 0
Triste Triste 0
Ouah Ouah 0