In Memoriam : Tiébilé Dramé, enfant de Tarawil Béyda-Nioro du Sahel et du Mali
Nos routes se sont croisées en 1964, lorsque mes parents m’envoyèrent à Nioro du Sahel pour m’arracher à l’effervescence urbaine de Bamako.

À l’école fondamentale, je rencontrai alors un jeune garçon frêle, mais déjà plus grand que son âge. Débatteur infatigable, il se passionnait, comme moi, pour « le sexe des anges ». C’était Tiébilé Dramé. Je découvrais en lui un esprit lumineux, un tempérament généreux et un sens inné du leadership qui ne devait jamais le quitter.
Cet ami de jeunesse, rappelé à Dieu le 12 août par le Maître des cieux et de la terre, restera gravé dans ma mémoire non seulement comme leader politique que tous connaissent, mais surtout comme l’homme de partage, de don de soi et d’humilité. De l’école primaire au lycée de Badala, puis à l’École normale supérieure, nos parcours se sont liés, renforcés par notre commune appartenance à Nioro et par les attaches anciennes de nos familles respectives : lui, par son père Sékou ; moi, par ma mère Fatoumata Kébé, tous deux enracinés à Komo Woulou.
Déjà, au lycée, nous partagions nos week-ends avec son cousin feu Oumar Kandé Diakité, dans la maison de leur aîné, Mamadou Hamet Diarra dit « Bill » de Radio Mali. C’étaient les années 1970. Plus tard, en 1982, je retrouvais Tiébilé à Paris, où je passais mes vacances. Il y vivait un exil forcé après avoir été détenu dans les geôles de Ménaka, comme étant le plus jeune prisonnier politique du Mali.
Impliqué dans une radio périphérique de la banlieue parisienne, il m’y conviait souvent pour d’interminables discussions sur l’avenir de notre pays. Les rares fois où je dormais chez lui, à la cité Poniatowski, porte Dorée, il n’hésitait pas à me céder son lit et à s’installer sur un matelas d’appoint. Ce simple geste disait tout de sa générosité, de sa fraternité.
L’homme qui s’en est allé fut un militant intraitable face à l’injustice, un patriote passionné de son pays, un fils indéfectiblement attaché à sa ville natale, à son pays et à ses origines. Son amour des hommes le mena naturellement à Amnesty International, comme une école préparatoire à son destin de ministre des Affaires étrangères. Homme de verbe, homme de convictions, il assumait ses positions avec une force tranquille, sans jamais faiblir, demeurant loyal au-delà des limites que d’autres auraient jugées raisonnables.
En 1991, à la demande de mes confrères de L’Essor, j’ai transmis son curriculum vitae de mémoire alors qu’il rentrait de son exil, dans l’avion même qui l’amenait à Bamako. C'est dire si je l'ai connu. Plus tard, lorsqu’il décida de fonder Le Républicain, c’est vers moi qu’il se tourna pour lui trouver des journalistes de talent pour en assumer la direction. Tout récemment encore, alors que je ne savais pas qu’il était malade, il m’aida à documenter une page de mon dernier livre sur Nioro. Avec sa pudeur coutumière, il me confiait qu’il travaillait à l’écriture d’un ouvrage qu’il voulait partager avec moi après mon retour de soins à l’étranger. Mais, à mon retour, il était déjà parti, loin de notre portée.
Le destin a voulu qu’il s’éteigne hors du pays qu’il a tant servi. Le destin a voulu aussi que je sois parmi la foule immense venue l’accompagner à sa dernière demeure, auprès de ses devanciers, auprès de son épouse Kadidia Bocoum, disparue, dont la mémoire reste gravée dans nos cœurs.
À sa famille biologique, à son frère aîné Hamet, qui nous encadra tant, à son épouse généreuse, Kadiatou Konaré, à ses enfants, à ses compagnons de combat, innombrables, que je ne saurais citer sans risquer une omission, je présente l’hommage d’une vie fraternelle partagée.
Tiébilé, repose en paix, dans les jardins éternels d’Al Janatoul Firdaws, aux côtés des preux ! Tu fus un homme de parole, un homme d’action. Tu fus surtout un frère, et c’est ainsi que je te garderai dans ma mémoire et dans mon cœur.
Seidina Oumar Dicko
Journaliste – Historien – Écrivain
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