Tribune - Importations de véhicules : un pari risqué du gouvernement

Le 1er août dernier, le gouvernement a annoncé l’assouplissement des règles encadrant l’importation des véhicules d’occasion au Sénégal, en portant de huit à dix ans la limite d’âge des voitures particulières. Présentée comme une mesure destinée à faciliter l’accès à l’automobile pour les ménages, cette décision soulève pourtant de sérieuses inquiétudes quant à ses répercussions économiques, sociales et environnementales.

9 Sep 2025 - 13:12
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Tribune - Importations de véhicules : un pari risqué du gouvernement
Baye Assane Fall, Responsable Stratégie et Prospectives de l’Alliance pour la Citoyenneté et le Travail (ACT)

À première vue, linitiative peut sembler positive : élargir le choix, rendre disponibles des modèles moins chers et permettre à certaines familles dacquérir un véhicule. Mais la réalité est toute autre. Les coûts cumulés – droits de douane, frais de transit et taxes diverses – maintiennent le prix dachat à un niveau élevé. Ce ne sont pas les ménages les plus modestes qui en bénéficieront, mais surtout ceux déjà proches de lacquisition dun véhicule, renforçant ainsi les inégalités daccès à la mobilité.

 Les conséquences à moyen et long terme sont préoccupantes. Lassouplissement va accélérer le vieillissement du parc automobile. Des voitures plus anciennes signifient des frais dentretien plus lourds, une consommation accrue de carburant et une dépendance renforcée à limportation de pièces détachées. Autrement dit, une charge supplémentaire pour les ménages et un déséquilibre accru pour notre balance commerciale.

À cela sajoute limpact environnemental. En autorisant larrivée massive de véhicules plus usés, le gouvernement accroît la pollution atmosphérique. Dans nos grandes villes, où la qualité de lair se dégrade déjà de manière inquiétante, cette décision va à contre-courant des engagements pris par le Sénégal en matière de lutte contre le changement climatique et de protection de la santé publique. Les conséquences indirectes – maladies respiratoires, hausse des dépenses de santé, perte de productivité – risquent de coûter bien plus cher que les bénéfices immédiats de la mesure.

Cette orientation entre également en contradiction avec les efforts annoncés depuis des années pour moderniser les transports publics. Le Train Express Régional, le Bus Rapid Transit et les projets de renouvellement du parc de taxis et de cars rapides devaient incarner une vision moderne et durable de la mobilité. Louverture aux véhicules anciens envoie le signal inverse : encourager laugmentation du trafic individuel, au prix dembouteillages aggravés, de trajets plus longs et dun renchérissement du coût global des déplacements.

 Il faut aussi souligner la dimension économique et politique de cette réforme. Elle offre une respiration temporaire à certains circuits commerciaux liés à limportation de véhicules doccasion, notamment via la diaspora. Mais ce choix conjoncturel, qui répond à des intérêts particuliers, se fait au détriment dun véritable projet structurant pour lavenir du pays. Le Sénégal mérite mieux que de servir de débouché pour des véhicules déclassés ailleurs.

Notre pays ne peut pas bâtir son développement sur une dépendance accrue aux voitures usées importées. La priorité doit être de construire une stratégie nationale de mobilité moderne, durable et inclusive. Cela passe par le renforcement des transports collectifs, le renouvellement encadré du parc automobile et une politique cohérente de lutte contre la pollution. Cest seulement à ce prix que nous pourrons améliorer durablement le quotidien des Sénégalais, protéger notre environnement et soutenir une économie compétitive.

 

Baye Assane Fall

Responsable Stratégie et Prospectives de lAlliance pour la Citoyenneté et le Travail (ACT)

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