Amadou Sidibé, PDG de l'Amader : «Le taux d'électrification est passé de moins de 1% en 2004 à 26,9% en 2024»

Dans un entretien accordé à L'Essor, Amadou Sidibé est revenu sur les projets réalisés par l'Agence malienne pour le développement de l'énergie domestique et de l'électrification rurale (Amader). Le PDG de l'Agence dont le credo constitue à faire jaillir de la lumière hors des zones urbaines, rassurer les localités non encore bénéficiaires que les autorités étatiques sont à pied d'œuvre afin de rendre l'électricité de qualité disponible, accessible à tous et à moindre coût.

24 Sep 2025 - 11:35
24 Sep 2025 - 11:31
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Amadou Sidibé, PDG de l'Amader : «Le taux d'électrification est passé de moins de 1% en 2004 à 26,9% en 2024»
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Amadou Sidibé, PDG de l'Amader : «Le taux d'électrification est passé de moins de 1% en 2004 à 26,9% en 2024»

L'Essor : Quel bilan dressez-vous du travail de l'Amader dans le développement de l'énergie domestique et de l'électrification rurale ?

Amadou Sidibé : De sa création en 2004 jusqu'à 2021, l'Amader a pu électrifier, grâce à un appui de l'État notamment à travers le Projet énergie domestique et accès aux services de base en milieu rural (PEDASB), 250 localités. Ces projets étaient, pour la plupart, des projets avec des sources de production thermique. Ils ont permis d'électrifier pendant un moment les 250 localités. Malheureusement, avec la hausse du prix des combustibles, ce projet n'a pas marché comme on le souhaitait.

C'est à partir de 2021 que nous avons initié des projets d'hybridation de ces localités déjà électrifiées qui nous ont permis de reprendre certaines localités en amenant des sources d'énergies renouvelables et aussi en imposant, dans le cadre des partenariats publics-privés, d'introduire d'autres acteurs purement privés pour électrifier les localités. C'est ainsi qu'à partir de 2021, nous nous sommes retrouvés avec un grand taux d'électrification. En de bilan, un pas de géant a été fait termes notamment entre 2004 et 2024 avec des résultats flatteurs. En effet, le taux d'électrification est passé de moins de 1% en 2004 à 26,9% en 2024, le nombre de localités électrifiées avoisine les 320, l'instauration de la migration technologique : de la thermique à l'hybride (solaire PV/diesel avec stockage), et exclusivement solaire avec stockage.

L'Essor : Quels ont été les impacts concrets de ces projets de l'Agence sur les populations ?

Amadou Sidibé : Le PEDASB, premier projet mis en œuvre par l'Amader, a permis la réalisation de 256 mini-réseaux à partir de centrales diesel. Quant au projet KfW, il a permis la réalisation de 14 centrales hybrides-solaires PV/Diesel avec stockage. En ce qui concerne le projet SHER, clôturé en 2023, il a permis l'hybridation de 45 sites (ayant permis d'électrifier 53 localités) à partir de systèmes solaires PV/diesel avec stockage.

En outre, une cinquantaine de mini-réseaux ont été réalisés en partenariat avec des privés sur des fonds propres pendant que 9.320 Systèmes solaires domestiques (SSD) ont été installés dans 84 localités rurales n'ayant pas accès aux réseaux électriques. Aussi, 58 infrastructures communautaires ont bénéficié de la réalisation de systèmes solaires. À ce jour, les infrastructures solaires fonctionnelles sont, entre autres : 49 Mini-réseaux solaires PV, 110 Mini-réseaux solaires PV/Diesel avec stockage, 9.320 Kits solaires domestiques.

Certaines localités diesel sont à l'arrêt tandis que d'autres ont été transférées à l'EDM. De nombreux impacts positifs de cette connexion sont à noter avec une des conditions de travail (98%) également bien au sein des ménages qu'au niveau des entreprises et structures collectives. Ces impacts positifs sont également liés à une de la réussite scolaire (96%), une des soins de santé, une de la sécurité (95%) et aussi l'amélioration de l'accès à l'information, plus particulièrement sensible dans les zones difficiles d'accès, comme Madina Sacko et Naréna à Koulikoro, Konna, Korientze, Sofara et Diondori à Mopti ainsi que Tabakoto, Bendougou, Tringa Marena, Diongaga, Koméolou et Sambaga. à Kayes.

Ces prouesses sont mises en exergue par le rapport d'achèvement de la mise en œuvre du projet Système hybride d'électrification rurale, élaboré en février 2024 par le bureau d'étude Jiri Services. Le tout, sans oublier l'amélioration des revenus des entreprises connectées qui ont vu évoluer leurs recettes mensuelles de 20 à 110%, selon les secteurs d'activité.

L'Essor : Quels sont les principaux obstacles auxquels vous êtes confrontés dans l'extension de l'électrification en milieu rural (financement, infrastructures, sécurité) ?

Amadou Sidibé : C'est d'abord le tarif élevé. Le niveau du tarif d'électricité en milieu rural établi sur la base de la réalité des coûts et sans subvention d'exploitation demeure relativement élevée. Ensuite, l'insuffisance de ressources pour les investissements. Il ya lieu d'adopter une politique souveraine d'investissements destinés à l'électrification rurale par la dotation périodique (annuelle) et sur le budget national des crédits dédiés au développement de l'électrification en milieu rural.

L'Essor : Comment l'Amader gère-t-elle la question de l'accès équitable, notamment pour les zones très reculées et enclavées ?

Amadou Sidibé : La question de l'accès équitable à l'électricité est une préoccupation.

À ce titre et de façon générale, une harmonisation des tarifs de l'électricité entre le milieu urbain et celui rural par le système de péréquation est en étude. De façon spécifique, l'accès à l'électricité des zones très reculées et enclavées est intégré dans les projets d'électrification par le raccordement des localités de proximité d'une centrale électrique donnée.

Ainsi, dans le cadre du projet SHER, 8 localités ont pu bénéficier du service d'électrification, grâce à des actions de mutualisation. Ensuite, il y a eu l'installation, dans les zones reculées, de 9.320 Systèmes solaires domestiques (SSD) d'une capacité de 2,1MWc avec quatre points lumineux et une prise par SSD en plus de la dotation de 8 bibliothèques dans des localités non électrifiées. Il s'agit d'un dispositif contenant des lampes solaires rechargeables destinées aux élèves.

L'Essor : Quels sont les projets phares en cours ou prévus, afin d'accélérer l'accès à l'électricité en milieu rural dans les années à venir ?

Amadou Sidibé : Il ya le PERSHY 32 qui consistera à électrifier 32 localités à travers le pays. Il est cofinancé par le Gouvernement du Mali, le Fonds d'Abu Dhabi pour le développement (ADFD) et la Banque arabe pour le développement économique de l'Afrique (BADEA). Ensuite, le projet Yelen Sira, mis en œuvre en février 2024, qui est en restructuration pour s'inscrire dans la nouvelle vision du gouvernement consistant à réaliser des centrales de grande capacité et à raccorder les localités limitrophes. On ne peut pas plus passer sous silence le Plan directeur d'électrification rurale (PDER) qui est le document de référence pour atteindre un accès rapide et équitable aux services d'électricité en milieu rural. Il s'agit de l'électrification de 12.000 localités à l'horizon 2030.

L'Essor : Quelles sont les collaborations mises en place avec les partenaires techniques et financiers pour soutenir vos initiatives ?

Amadou Sidibé : L'Amader entretient de bons rapports avec plusieurs Partenaires techniques et financiers (PTF) dans le cadre du développement de l'électrification rurale. Le PTF historique et constant demeure la Banque mondiale avec deux projets majeurs d'électrification rurale réalisés entre 2004 et 2023. Plusieurs autres PTF nationaux comme internationaux sont en collaboration avec l'Amader pour la réalisation de projets déjà financés et le développement de nouveaux projets et programmes.

L'Essor : Quel message adressez-vous aux populations rurales et aux acteurs économiques quant aux efforts de l'État à travers l'Amader pour améliorer l'accès à l'électricité ?

Amadou Sidibé : À l'endroit des populations se trouvant dans les localités électrifiées par l'Amader, nous saluons leur appui en termes de facilitation dans la mise en œuvre des projets. Nous saluons également leur résilience et leur compréhension dans les désagréments rencontrés du fait de nos activités (tarifs élevés, nombre d'heures de service limités...). Nous cherchons des solutions à ces problèmes et les autorités nous appuient dans ce sens.

Aux populations des localités rurales non encore électrifiées, nous leurs disons que leur attente est légitime et les plus hautes autorités sont engagées à rendre l'électricité de qualité disponible, accessible à tous et à moindre coût. à l'endroit des acteurs économiques, nous disions que l'ER est un bon créneau d'opportunité d'affaires, car pour le moment seuls 320 villages sont électrifiés sur plus 12.000 que compte le Mali alors que l'innovation technologique rend l'électrification plus facile techniquement et plus rentable économiquement.

Propos recueillis par

Fatoumata KAMISSOKO

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