Les enfants de Tiiebilé Drame rendent hommage a leur pere : Mouna : "Nous redoutions ce moment, Papa"

Nous redoutions ton départ, Papa BoulBoul. Nous redoutions cette douleur infinie ressentie au plus profond de nos entrailles.

23 Août 2025 - 01:18
 0
Les enfants de Tiiebilé Drame rendent hommage a leur pere : Mouna : "Nous redoutions ce moment, Papa"

Lorsque tu as rendu ton dernier souffle, c'est là que nous pensons avoir tout compris ou du moins avoir reçu une des plus grandes leçons de notre existence : toute ta vie de lutte, toutes tes luttes politiques, sociales et culturelles, en réalité ne t'ont préparé que pour cette lutte finale : faire face à la mort.

Car, ta dignité, ton calme, ton élégance ont bouleversé tous ceux qui t'ont tenu la main pour ce dernier voyage, le personnel soignant en tête.  C'est vrai, Il est écrit que toute âme gouttera à la mort mais nous n'étions pas préparés à ce que tu t'en ailles, en ce mardi matin du 12 août. Tu nous réconfortais et nous promettais que tu irais bien. Nous y avions cru, tous. Tu nous protégeais comme à ton habitude.

Dans ta maladie, en aucun moment, tu n'as été ni perturbé, ni déstabilisé par la perspective de la mort. Tu l'as affrontée de toutes tes forces et de toute ton âme.

Fatou :  Papa, en ce vendredi saint, nous nous tenons devant les tiens, devant ta famille, tes amis, tes compagnons de route, le peuple du Mali et de l'Afrique, pour te rendre humblement hommage  à travers ces quelques mots…

Mais ! Comment rendre hommage dignement et fidèlement à notre cher papa, notre boua comme la jumelle Aminta et Maciré l'appelaient affectueusement, notre papounet, notre petit papa, le fils de Mah et de Nandy, ce grand homme… ?

Nous ne souhaitons ni évoquer ton parcours estudiantin, ni ton engagement politique auprès de tes chers compagnons de lutte, ni ta carrière de diplomate international, ni ton amour ardent et contagieux pour le Mali et l'Afrique, ni ton engagement incessant pour la justice et la Paix, mais nous parlerons de l'homme que tu étais dans l'intimité, à travers le regard de tes enfants. Papa a élevé chacun d'entre nous, avec force, amour et tendresse, sagesse et générosité, fermeté et exigence, fierté et dignité, et enfin avec humilité.

Mouna : Papa était amour. Il aimait profondément sa famille, ses frères et sœurs avec à leur tête, notre patriarche Kalaban Pah qui était tout pour lui. Un père amoureux de ses enfants, de Mah Diarra notre aînée a Diaty Dramé, amoureux de ses gendres et belles filles qui étaient ses enfants. Il était ce père, telle une mère, qui m'a accompagné avec les mots qu'il fallait et les conseils lors de ma première maternité. Il prenait des nouvelles quotidiennes de tous, de ses amis, de ses parents, de ses frères et sœurs. Il s'inquiétait pour ses enfants, ses neveux, ses petits-enfants dont Bouba qu'il appelait BoulBoul et Moussa the bushman, en référence à notre séjour sierra-léonais. Il donnait à ses petites filles des sobriquets affectueux : Kadidia Amandine, la naane, Al Kuburat, la Christ, Dramé Kadida. et j'en passe. Il nous réprimandait s'il estimait que nous avions une réaction "dure" avec ses petits-enfants qu'ils aimaient tant. Il était ce père qui accompagnait chacun d'entre nous aux épreuves scolaires majeures, qui prenait l'avion et rencontrait nos professeurs d'université pour s'assurer que nos études se déroulaient comme prévu.

Il était ce père qui savait au premier regard détecter chez chacun de ses enfants leurs états d'âmes. Il était ce père qui appelait toujours juste au moment où nous avions un besoin, une inquiétude et bien évidemment il avait la solution.

Il ressentait chaque peine, chaque pointe de douleur de ses enfants, il savait nous apaiser. Il était ce père et ce grand père qui n'oubliait jamais les anniversaires des uns et des autres, il adorait fêter nos anniversaires.

Des moments de vie suspendus où il se délectait de nous voir chanter, rire aux éclats, et même danser. Il était aussi ce père qui aimait et se prenait d'affection pour les enfants de ses amis, les soutenait dans la vie, les études et les épreuves.

Tous nos amis en le côtoyant  étaient touchés par la considération qui leur portait, sa présence, sa bonté, cette grandeur qu'il dégageait. Il appelait du surnom "maman" toutes les amies de ses enfants en référence à sa mère. Nous ses enfants, en étions fiers et savions que nous avions  un père  exceptionnel et hors du commun. D'ailleurs, nous nous querellons en débattant souvent pour savoir qui était son préféré. Il nous observait, souriait et ne disait mot. Seule Adame était sereine. Il était juste. Juste avec chaque membre de sa famille, et chaque personne qui l'entourait.

Fatou :  Papa était un tisserand. Le tisserand de notre toile familiale.  Il tissait les liens entre tous avec constance et détermination. Dès son retour d'exil en 1991, la maison familiale de Darsalam accueillait ses frères, sœurs, nièces et neveux, beaux-frères et belles sœurs. Il nous rappelait à l'ordre si nous avions oublié d'appeler un ami, un membre de la famille ou simplement d'envoyer un message. Il nous poussait à nous côtoyer les uns les autres, à passer du temps ensemble. Il y a quelques jours, il nous disait : aw ye niongon Kanu, aw ye niongon sira tagama.

Papa était exigeant. Exigeant envers lui-même et envers nous. En parfait professeur qu'il était, nos bonnes notes n'étaient jamais suffisantes, il nous poussait à nous dépasser, sans cesse, à nous corriger, à toujours nous améliorer. Rigoureux, il était. Lorsque nous échangions des messages écrits, il corrigeait nos fautes de français, d'anglais et même de bamaman. Toujours disponible pour relire nos textes et nos écrits importants avec la rigueur que vous lui connaissiez.  Il y a un mois et demi, alors que Badiallo, sa simbi nandlo, se rendait en Côte d'Ivoire pour un stage, je l'entendis lui dire sur le pas de la porte : n'oublie pas que là où tu feras ton stage  tu es la représentante de ta famille, sois digne et travaille bien. Papa était tout ceci.

- Il était aussi fermeté. Bien que comme il le disait, il avait un faible pour ses enfants, il savait lorsqu'il estimait que cela était nécessaire, nous rappeler à l'ordre avec sévérité pour nous mettre sur le droit chemin. Comme il disait souvent, "je ne vous donne pas de mauvais conseils, vous feriez mieux d'écouter les conseils d'un vieux sage comme moi".

Mouna : En effet, il était sagesse. Et quelle sagesse ! Il nous encourageait à prendre de la hauteur, à accepter ce sur quoi nous n'avions pas de pouvoir, à nous apaiser. Lorsque nous le sollicitons, il nous conseillait avec grandeur et toujours avec sagesse.

Il était le conseiller de vie de chacun de ses enfants. Chaque étape était analysée avec finesse, argumentée, tout en nous laissant le soin de prendre nos propres décisions. Il pouvait passer des heures à nous conseiller, toujours aimant et disponible. L'inverse était aussi vrai. Chaque décision importante, cruciale de sa vie dont nous avons été témoins était partagée avec ses enfants dont il recueillait les avis. Cet exercice, il le faisait depuis notre plus jeune âge et nous encourageait à le faire avec nos enfants, comme pour les préparer à l'avenir.

Certains d'entre nous, notamment Mouna et Massiré, aimaient  débattre avec lui des faits d'actualité, des faits d'histoire, ou sur des concepts généraux,  du moins on s'essayait. Il était redoutable tellement sa culture était immensément dense et riche.

Papa était un historien à la maison aussi. Il nous racontait avec passion mais toujours avec un ton mesuré, ses origines soninké dont il était si fier, il nous parlait de sa mère Fanneh Traoré, de la légende de sa grand-mère paternelle Mama Soukho, il nous racontait le Diafounou, le secret du marigot fondé par son aïeule Marian Touré, Nioro du Sahel, Sékou Dramé, il nous contait des anecdotes empreintes d'humour qui ont marqué ses années de lutte et d'emprisonnement.

Fatou : Mais, par-dessus tout, Papa incarnait l'humilité. Une humilité légendaire  qu'il a su insuffler à chacun de nous, et il nous encourageait à l'être davantage. Il nous disait "marchez avec humilité, considérez les gens, toutes les gens". Des fois, je le titillais en lui disant, es-tu sûr que l'excès d'humilité ne nuit pas dans certaines circonstances ? Il me répondait "de la famille d'où tu viens, l'humilité est la valeur première, ne l'oublie pas". Cette valeur a guidé sa vie entière jusqu'au dernier souffle.

Notre papa, un historien, chercheur, homme de lettres, poète, journaliste, diplomate et homme politique engagé mais avant tout merveilleux père a tiré sa révérence, avec humilité, dignité et grandeur, valeurs qui ont caractérisé sa vie entière.

Mouna : Nous sommes meurtris, mais nous sommes dignes, comme il exigeait  que nous le soyons.  Mamadou, Mah, Mouna, Baba, Nouhan, Massiré, tes jumelles Aminata et Nandy, Badiallo, Mouleidi, Oumou, Alpha, et Adame ta petite chérie, nous serons dignes.

Les valeurs qui ont guidé papa vivront en nous éternellement et nous continuerons son œuvre in shaa Allah. Tes dignes fils nous montrent déjà l'exemple depuis l'annonce de ton décès.  Et, Papa, ta petite Badiallo, quelques heures après ton rappel à Dieu nous a dit : "Tenez bon, comme il aurait voulu". Nous tiendrons.

Fatou : "Nous tes enfants tiendrons et prendrons soin de Maman Atou, que tu chérissais tant".

Que ton âme repose en paix ! Que ton âme repose en paix ! Que ton âme repose en paix ! Près de celles de  Maman Kadidia Bocoum et de ton fils, héros du Mali, Hamet Dikko. Que le paradis soit ta dernière demeure! Merci Papa.

Quelle est votre réaction ?

Like Like 0
Je kiff pas Je kiff pas 0
Je kiff Je kiff 0
Drôle Drôle 0
Hmmm Hmmm 0
Triste Triste 0
Ouah Ouah 0