Bonjour chers lecteurs, je suis une malienne originaire de la localité de Sikasso. J’ai été témoin oculaire d’une situation dans une ville de la Côte d’Ivoire qui mérite d’être partagée. Pour avoir entendu dire que les populations du Nord de la Côte d’Ivoire étaient très versées dans le mystique, j’ai pu m’en rendre compte à travers un fait.
Il y a quelques années, je me suis rendue dans ladite localité pour rendre visite à un oncle affecté là-bas dans le cadre de son projet. J’avais beaucoup entendu parler de cette ville, surtout sur le plan historique. Elle fait partie des lieux visités par Samory Touré. D’ailleurs, une mosquée représente le symbole de cette visite du célèbre Imam en cet endroit. A mon arrivée, j’ai quand même déploré le fait que ces régions, malgré leur passé historique, demeurent encore dans la précarité. Les infrastructures y font défaut. Les populations jeunes continuent de se rendre dans les villes les plus développées, à la recherche d’emploi. J’étais pourtant décidée à tout connaitre, à tout voir afin de mieux m’imprégner des réalités du pays profond. Cependant, deux jours après mon arrivée, un fait troublant m’a effrayée au point que j’ai décidé de quitter les lieux. Cela s’est passé au grand marché de la ville. Je me suis rendue là-bas, en compagnie de l’épouse de mon oncle. Ce marché du nord était comme tous les marchés de la plupart des villes du pays. On y vendait toutes sortes d’articles. Ma tante et moi y étions allées pour acheter de la viande et des légumes pour le repas du jour. Et c’est pendant que nous étions face au boucher que j’ai assisté à cette scène terrible à quelques mètres de nous. Nous avons vu un âne qui avait les dents enfoncées dans les bras d’un homme et qui ne voulait pas lâcher prise.
Dans ces régions, voir un âne en ville est monnaie courante car cet animal fait partie du quotidien des populations. L’âne, on le sait, est un herbivore. Toutes les personnes présentes ont donc été surprises, autant que nous, de voir cet âne se comporter comme un animal carnassier, précisément comme un chien. Pour mieux nous confondre dans nos spéculations, l’âne était accroché au bras de l’homme qui hurlait en essayant de se défendre. Les vendeurs et vendeuses accouraient pour essayer d’aider l’infortuné. Certains en faisant du bruit, d’autres en frappant l’âne avec toutes sortes d’objets : cailloux, bois, chaussures, enfin, tout. Mais l’âne ne lâchait pas prise. Ces dents étaient enfoncées dans la chair du pauvre homme qui se débattait sans succès. Ma tante et moi assistions, impuissantes, à ce triste spectacle. Comment un âne pouvait-il agir de la sorte ? Pour moi, il n’y avait pas vraiment une très grande différence entre l’âne et le mouton. Et voir un tel spectacle m’effrayait. C’était impensable. Pendant plus d’une quinzaine de minutes que la scène se déroulait, personne n’arrivait à libérer l’homme. La nouvelle s’était rependue partout dans la ville. On en était là quand un donso (chasseur traditionnel) est arrivé. Il a tiré deux coups de feu sur l’âne. La foule s’est aussitôt dispersée. L’homme est tombé dans les pommes. L’âne s’est écroulé. Après s’être longtemps agité, l’animal est mort au grand soulagement de la foule. Mais chose curieuse, même mort, l’âne avait les dents enfoncées dans le bras de l’homme. Le chasseur s’est approché de l’âne et a écarté ses mâchoires pour dégager le bras du malheureux. Celui-ci était inconscient. Il fallait le transporter d’urgence à l’hôpital car son bras enflait et noircissait sous nos yeux. Ma tante et moi étions encore dans le marché lorsque l’homme a été transporté à l’hôpital.
Le donso qui a tué l’animal a dit qu’il n’était pas intéressé par sa chair. Il a même mentionné que l’âne avait été utilisé pour tuer cet homme et donc, il refusait de manger la viande d’un tel animal. Un groupe de jeunes commerçants ont récupéré l’animal mort, heureux d’avoir de quoi manger. Plus tard nous avons appris, que par manque de matériels appropriés pour le soigner, l’homme avait été transféré d’urgence dans la capitale. Nous avons aussi appris qu’il serait un fonctionnaire affecté depuis quelques mois dans cette ville. C’était triste car les nouvelles qui nous parvenaient à son sujet n’étaient pas rassurantes. Son état empirait. Le bras blessé s’infectait et, au fur à mesure, le mal s’étendait à tout le corps.
Un autre fait étrange s’est produit le lendemain matin. Il concernait le groupe de jeunes commerçants qui s’étaient emparés de la viande de l’âne, et un autre groupe de jeunes. Ces derniers reprochaient aux jeunes commerçants d’avoir mangé la viande de l’animal sans eux. Selon eux, cette viande aurait dû être partagée de manière équitable entre eux car ils auraient tous assisté à l’incident de la veille. Cela a engendré une terrible bagarre dans le marché. Les jeunes ont utilisé des armes blanches. Les autorités de la ville sont intervenues pour calmer les esprits. Cet affrontement au sujet de l’étrange âne a occasionné des morts. C’était clair que l’animal était vraiment possédé puisque, à lui seul il a créé des dégâts énormes. Trois jours après l’évacuation du fonctionnaire blessé, nous avons appris que tout son corps était entrain de pourrir. Les médecins, impuissants face à ce mal étrange, ont suggéré à sa famille de consulter des mystiques afin de le sauver. L’homme a donc été conduit chez un guérisseur. Malheureusement, il était trop tard. Il est mort car tout son corps était en état de putréfaction. La mort de cet homme m’a beaucoup affectée. J’ai pleuré comme si je l’avais connu auparavant. J’ai aussi essayé de comprendre pourquoi les choses s’étaient passées ainsi. Car il n’y avait pas de doute, il y avait de la sorcellerie dans cette affaire.
Personne n’a pu vraiment m’en dire davantage. On m’a juste dit que l’âne avait été envoyé mystiquement pour tuer le fonctionnaire. Par qui ? Et pour quoi ? Je ne le saurai jamais. J’ai quitté la ville en ayant en esprit cette image triste de l’homme en train de se débattre pour vivre. Je suis restée stupéfaite et pour moi qui croyais que ce genre de choses ne se faisait que dans ma localité, j’avoue que j’ai vraiment mesuré depuis lors la méchanceté des hommes. Que dire ? C’est aussi ça, l’Afrique ! Dommage !.....