Bientôt 9 mois que la crise dure avec son corollaire de souffrances pour tous les Maliens, tant de l’intérieur que de l’extérieur. Chaque fois qu’une étape est franchie vers la résolution de cette crise, voilà qu’un autre nœud vient s’y ajouter.

Cheick Modibo Diarra (CMD), qui avait quitté les Etats Unis pour prêter main forte à son pays, doit bien déchanter aujourd’hui après avoir été brutalisé et houspillé par les hommes du Capitaine Sanogo.
Les dessous d’une démission
Si l’on s’en tient à nos informations, CMD a démissionné sous la contrainte du clan du Capitaine Sanogo qui ne verrait pas d’un bon œil une éventuelle intervention militaire extérieure pour libérer le Nord, contrairement au Premier ministre démissionnaire qui s’est maintes fois prononcé en faveur de l`intervention rapide d`une force militaire internationale dans le Nord du Mali. Comme on le voit, pour bouter hors du Nord les groupes terroristes qui y sévissent, deux thèses s’opposent. Et cela n’est pas forcement du goût des ex-putschistes, surtout que leur organisation n’est aucunement reconnue par la CEDEAO. En outre, le 8 décembre 2012, un millier de Maliens ont marché en faveur d’une intervention militaire rapide au Nord. Pour les pro-Sanogo, Cheick Modibo Diarra tire les ficelles dès l’instant où son directeur de cabinet, Oumar Kanouté, fait savoir après la marche : « Nous souhaitons que la communauté internationale appuie rapidement la résolution qui doit être adoptée à l’ONU et qui doit permettre au Mali de recouvrer sa souveraineté sur toute l`étendue de son territoire». CMD était donc dans le collimateur du Capitaine putschiste. D’une certaine façon, cet objectif a été atteint dans la mesure où désormais, il n’est plus question de la force étrangère destinée à reconquérir le Nord, le la manière de remettre un semblant d’ordre et de sérénité dans la capitale. Une question d’autant plus cruciale qu’au cours des derniers mois, les divisions au sein de la société malienne se sont accentuées un peu plus. Le minimum de consensus sur lequel la communauté internationale s’était appuyée pour trouver un fragile et délicat équilibre formé par le tandem Dioncounda Traoré-Cheick Modibo Diarra n’est plus de mise. Au cours de la même période, usant d’un véritable travail de manipulation, la junte militaire a réussi à s’assurer une certaine légitimité au sein de la société. Ce qui explique la quiétude que vit Bamako au lendemain de la démission forcée de Cheick Modibo Diarra qui doit encore avoir l'esprit sur la planète Mars car les réalités maliennes lui échappant toujours.
Et le Président Dioncounda, dans toute cette affaire ?
Son mutisme est aussi inquiétant qu'il est révélateur de son évidente impuissance et de sa « banalisation » par Sanogo et ses hommes. Mais avec la déclaration du Capitaine à la télé avant-hier, tout est enfin clair. C’est donc une parfaite lune de miel entre ses deux personnalités. Mais dans cette relation amicale, il y a tout de même un hic car le Capitaine « Président » de Kati ne cache plus son ambition, à savoir conduire la transition si le peuple lui en demandait. Mais l’avenir nous édifiera davantage sur la durabilité de cet « amour » entre Dioncounda Traoré et Amadou Haya Sanogo.
Pourquoi faut-il « déboulonner » Sanogo,
Peut-on aujourd’hui enclencher une action réelle de reconquête du Nord avec la présence du Capitaine Sanogo? Cela est moins sûr tant qu’il se croit indéboulonnable. Soufflant le chaud et le froid, il a toujours posé des actions pour faire remarquer sa présence chaque fois que les organisations internationales ont décidé de converger leurs efforts pour venir en aide au Mali. La preuve : il y a 48 heures, l’émissaire du président en exercice de la CEDEAO, Charles Diby Koffi, a exposé la vision de l’organisation sous-régionale devant le Conseil de Sécurité : il est urgent de redonner espoir aux populations du Nord. Mais voilà que la démission de CMPD, sous la contrainte du Capitaine, ajoute un nouveau nœud gordien à la situation malienne. En attendant qu’une décision du Conseil de sécurité tombe pour l’envoi de la MISMA (Mission internationale de soutien sous conduite africaine au Mali), Dioncounda Traoré et le peuple malien devront penser à un nouveau gouvernement. Du coup, le processus s’en trouve un peu retardé. Se satisfaire donc du limogeage de CMD par la volonté de Sanogo, parce que la CEDEAO elle-même l’avait voulu, c'est prendre des risques pour demain.
Paul N’Guessan