Dans un entretien exclusif qu'il nous a accordé, hier jeudi 26 mai, le 2ème vice-président de l'ADEMA-PASJ et benjamin des candidats potentiels à l'investiture de la ruche, Sékou Diakité, ne prend pas de gant pour fustiger ce qu'il considère comme une "forfaiture" de Dioncounda Traoré, le président du parti et son rival potentiel et du Pr Ali Nouhoum Diallo, supposé être le parrain, "la conscience morale" de l'ADEMA. Et pour cause : dans une complicité qui s'est étalée au grand jour, les deux hommes ont réussi à choquer nombre de militants et cadres du parti en transformant, en violation totale de ses règles internes, la conférence-débats organisée, la veille mercredi, pour célébrer son 20ème anniversaire, en "une tribune de campagne électorale pour Dioncounda Traoré". Sékou Diakité précise : "Tout le monde s'est rendu compte que ce coup a été préparé. On a appelé les militants à une conférence-débats alors qu'en réalité c'était pour dresser une tribune afin de promouvoir la candidature d'un candidat. C'est révoltant ce qui vient de se passer. Pr Ali Nouhoum Diallo doit comprendre que c'est par la sagesse et non la passion qu'il arrivera à cultiver les valeurs d'unité et de cohésion au sein du parti".
L'Indépendant : A la conférence-débats organisée à l'occasion des 20 ans de l'Adema-PASJ, qui a eu lieu le mercredi 25 mai dernier au CICB, personne ne vous a entendu parler. Vous étiez un peu comme absent de la salle. Quels sont les sentiments qui vous animent après cette rencontre des cadres et militants du parti avec le sommet pour plancher sur l'historique de l'Adéma-PASJ ?
Sékou Diakité : Ce sont des sentiments de déception. Je suis déçu par le spectacle qui a été offert, le mercredi dernier, dans le cadre du 20ème anniversaire du parti. Je voudrais juste rappeler que l'organisation d'une conférence-débats dans le cadre du 20ème anniversaire de l'Adema a été décidée lors d'une réunion extraordinaire du Comité exécutif (CE, ndlr). Le CE a ainsi décidé et du lieu et des camarades qui devaient l'animer. A cette même réunion, il a été demandé de dissocier la conférence-débats de la procédure d'appel à candidature. Car, ce sont deux choses de nature différente. Il a été de même recommandé par le Comité Exécutif qu'une lettre circulaire soit envoyée aux sections pour informer les éventuels candidats de l'ouverture de l'appel à candidature.
Cette lettre circulaire a-t-elle été rédigée et ventilée dans toutes les sections ?
Au moment où je vous parle, aucune section n'a reçu une lettre de cette nature. Imaginez-vous que c'est verbalement, à l'occasion d'une conférence-débats, que le président du parti croit avoir lancé l'appel à candidature. Je pense sérieusement que cela manque de rigueur, de sérieux pour des gens qui ont l'ambition d'être le président de la République du Mali. Comme on peut aisément le constater, le président du parti, Dioncounda Traoré, est en train de fausser les règles du jeu.
La conférence-débats décidée par le Comité Exécutif sur l'historique du parti a été manipulée et détournée de ses objectifs initiaux. Cette conférence s'est transformée en un haut lieu d'auto-satisfecit, de flagornerie et de propos à relents paternalistes.
Qui vous visez principalement par ces attaques ?
Je vise le président du parti et le Pr. Ali Nouhoum Diallo qui se sont laissés aller à un exercice de flagornerie et d'auto-satisfecit qui ne sied pas à leur responsabilité. Le mercredi dernier, qu'est-ce qui intéressait les militants ? C'était le parcours de l'Adéma, ses 20 années passées, ses acquis et ses faiblesses, les leçons à en tirer, le projet du parti et les chantiers à ouvrir pour l'avenir. Malheureusement, cela n'a pas été le cas. Alors que beaucoup de militants et moi-même sommes venus dans ce cadre-là. La conférence-débats des 20 ans du parti a été transformée en une tribune de campagne pour un candidat.
Le 10ème vice-président du parti, Pr. Ali Nouhoum Diallo a demandé que tous les militants de votre parti se rassemblent autour du Chef. Et il a fortement remis en cause la nécessité des primaires pour l'investiture du candidat de l'Adéma à l'élection présidentielle de 2012. Pensez-vous que son appel pour un candidat naturel a été entendu ?
Non, cet appel n'a pas été entendu. Il a dit que la reine de la ruche, c'est Dioncounda Traoré. C'est vrai. Mais ce qu'il feint d'oublier, c'est que ce sont nous qui l'avons choisi comme président du parti. Mais que Pr. Ali Nouhoum Diallo désigne la folle de la ruche aussi ! Quand nous désignions Pr. Ali Nouhoum Diallo pour animer ce thème, ce n'était point pour qu'il vienne lancer un appel pour que les militants suivent sa préférence. Nous respectons son choix mais qu'il sache que d'autres militants ont aussi leur préférence. Obsédés par la volonté d'imposer un candidat, ils ont même oublié de faire observer une minute de silence à la mémoire de nos camarades disparus, tombés sur le champ d'honneur de la lutte pour la liberté, la dignité et la démocratie dans notre pays. Cette omission est pour moi le signe même de la dérive qui est en train de s'emparer du parti. C'est pourquoi j'aurais proposé que l'Adéma érige un mémorial en hommage à tous ces militants qui sont des héros.
Vous pensez que ce n'était pas la tribune appropriée pour un discours comme celui tenu par le 10ème vice-président de votre parti, à savoir le doyen Ali Nouhoum Diallo, un homme pourtant respecté au sein de votre parti ?
Pour moi-même, pour beaucoup de militants et pour le Comité Exécutif du parti, Pr. Ali Nouhoum Diallo a outrepassé ses prérogatives de conférencier dans le cadre du vingtième anniversaire du parti. C'est là où je parle de manipulation de coups bas. Cela n'est pas normal. On ne peut pas parler d'unité et de cohésion et, en même temps, poser des actes en l'encontre de cela. Voilà ce qui a été fait. Je dis oui à l'unité et à la cohésion mais dans la vérité. Fût-il membre fondateur de l'Adéma, Pr. Ali Nouhoum Diallo doit comprendre que c'est par la sagesse et non la passion qu'il arrivera à cultiver et entretenir les valeurs d'unité et de cohésion au sein du parti. Il faut qu'il évite donc de classifier les militants en première classe et seconde zone.
Aujourd'hui, quand des militants de l'Adéma se mobilisent pour faire gagner l'Adema, ils n'ont pas besoin d'un appel de Pr. Ali Nouhoum Diallo. C'est leur conviction et leur attachement au parti qui leur font travailler pour le parti.
Peut-être que le président Dioncounda Traoré ne s'attendait pas à ce qu'il y ait une telle sortie de la part de votre camarade, Pr. Ali Nouhoum Diallo ?
Tout le monde s'est rendu compte que ce coup a été préparé. On a appelé les militants à une conférence-débats, alors qu'en réalité c'était pour dresser une tribune afin de promouvoir la candidature d'un candidat. C'est pourquoi je parle de forfaiture contre le parti. C'est révoltant ce qui vient de se passer.
Je rends, toutefois, hommage au camarade Ousmane Sy (secrétaire politique de l'Adema, ndlr) pour son exposé qui a été d'une rigueur et d'une profondeur à saluer. De même que celui de Mohamédoun Dicko (président d'honneur du parti, ndlr). Mais quand je vois des gens s'étaler des heures durant sur leur égo, je trouve cela pathétique et anormal. Si un candidat a à lancer sa candidature, il n'a pas à appeler les militants sous le couvert d'une activité normale du parti. Il doit le faire en dehors des activités du parti.
Certains intervenants ont surtout appelé à ne plus refaire les mêmes erreurs qu'en 2002. Cela voudra-t-il dire qu'ils remettent en cause les primaires qui viennent d'être lancées ?
Vous me permettrez de rappeler une chose dont Pr. Ali Nouhoum Diallo a parlé et qui est excessivement grave. Il a porté une appréciation personnelle sur le congrès extraordinaire. C'est son droit. Mais je dois relever, ici, que le congrès extraordinaire est une décision du peuple souverain de l'Adema. Que rien ni personne ne peut se mettre au-dessus de cette volonté du peuple souverain de l'Adema. Pr. Ali doit le savoir et le noter.
Contrairement à ce qu'il a laissé entendre, ce congrès extraordinaire a tenté de résoudre beaucoup de problèmes auxquels le parti était confronté à l'époque. J'étais moi-même au centre de cette situation. A l'époque, beaucoup de militants décriaient un déficit de débats démocratiques au sein du parti. Des décisions majeures du parti étaient prises en dehors de celui-ci et des cadres appropriés pour cela. Le choix des hommes à différents niveaux de responsabilité dans le parti se faisait souvent suivant des critères subjectifs. Voyons même le congrès ordinaire de 1999 : Secrétaire général d'une section, avec un mandat précis, on m'a refusé l'entrée au Comité Exécutif et c'est un autre membre de ma section qui y est entré. Ce sont de pareilles choses que nous avons dénoncées. Il faut que Pr. Ali Nouhoum Diallo le sache.
Les mêmes dérives que nous avons dénoncées pour aller à un congrès extraordinaire sont les mêmes qui sont en train de refaire surface. Faisons attention. Autre contre-vérité du Pr. Ali Nouhoum Diallo : il doit savoir que c'est le peuple souverain de l'Adema qui a décidé qu'il n'y a pas de candidat naturel. C'est un choix souverain du peuple de l'Adema. Qu'il ne l'oublie pas.
Maintenant que le parti ne puisse pas trouver les moyens nécessaires pour désigner dans le calme et la sérénité son candidat, cela est autre chose.
C'est une sorte de remise en cause des primaires ?
Pr. Ali Nouhoum Diallo était au congrès de 2008 et il était loisible à lui de défendre sa position et de la faire passer. Mais une fois que le congrès a décidé de bannir le principe de candidat naturel, ce n'est plus un Ali Nouhoum Diallo qui pourra remettre cette décision en cause. Nous regrettons sa prise de position. Je voudrais aussi souligner que le fait de bannir le principe de candidat naturel n'est pas antinomique à la possibilité de choisir un candidat de consensus. Personne n'est contre un candidat de consensus. En réunion du Comité Exécutif, j'ai été le seul à rappeler, à chaque fois, qu'il faut qu'on aille à une candidature de consensus. Et que pour cela, il faut même que nous mettions une commission de bons offices avant le dépôt des candidatures. Car, si je me réfère à ce qui est arrivé en 2000, avec la Convention nationale, et plus récemment avec l'élection du bureau de l’AMM (Association des municipalités du Mali, ndlr), une fois que les gens déposent leur candidature, ils ont ensuite des problèmes pour aller à un consensus. C'est compte tenu de cette réalité que j'ai proposé que la commission de bons offices soit installée avant le dépôt des candidatures.
Le Comité Exécutif a t-il pris une décision dans ce sens ?
Non. Les camarades m'ont toujours donné raison mais cela n'a jamais été mis en œuvre. Parce qu'il y a des candidats qui sont pressés d'en découdre car ils semblent sûrs de leur puissance. Mais être candidat ne saurait être une fin en soi. Je leur rappelle cela.
Avez-vous des inquiétudes par rapport à la relève au sein du parti qui, selon certains conférenciers, n'est pas assurée ?
Ce que les gens oublient, c'est qu'il n'y a pas d'hommes indispensables. Ne dit-on pas, d'ailleurs, que les cimetières sont remplis d'hommes qui se croyaient indispensables ? La construction d'un parti politique est une œuvre perpétuelle. On accomplit son devoir de génération. On pose sa petite pierre dans l'édification du parti et d'autres continueront la tâche. La qualité de membre fondateur du parti ne saurait être une rente à vie pour certains.
Quand, par exemple, je donnais la majorité à l'Adéma en commune II, mes militants n'ont pas eu besoin de Pr. Ali Nouhoum Diallo pour se mobiliser. Je voudrais donc rappeler à certains, qui voudraient spéculer sur notre jeunesse, que plus de 60% des électeurs de 2012 sont de ma génération.
En terminant, je voudrais demander à certains des aînés à faire preuve de sagesse, de respect de l'autre. Cela est important. Où allons-nous si ceux qui doivent être des arbitres deviennent des acteurs passionnés ? C'est pourquoi je demande à ce que le peuple de l'Adéma soit vigilant pour assurer la préservation de ses intérêts.
Réalisée par Mamadou FOFANA