Ex-sociétaire de la Commune II et de l'AS Sonatam, il a rejoint le Djoliba quand le club s'entraînait encore au stade Mamadou Konaté. Il fait partie de ces générations de joueurs que nous avons connus et côtoyés de très près. Lagaré était un joueur unique en son genre. Doté d'un immense talent et sélectionné en équipe nationale aux premières heures de sa carrière, il n'a, cependant, jamais pris le football au sérieux. Pis, il a créé le buzz en prenant sa retraite footballistique de façon inattendue, au sommet de son art et au grand dam de ses fans et des nombreux amateurs du football à l'état pur. Les différentes interventions ne l'ont pas fait changer de décision. Pourquoi ? Cette question fut l'entrée en matière de notre entretien avec lui. Découvrons l'histoire de ce joueur dont ni la pédagogie ni le courage de feu Karounga Keïta dit Kéké n'a pu redresser. Et pour cause !!!
Adama Coulibaly est le dernier enfant de sa mère, d'où le surnom de Lagaré (benjamin en français). Ce statut lui a conféré un statut particulier. Sa mère l'a encouragé et entretenu dans ses défauts, dans ses vices par trop d'indulgence, de complaisance. Bref elle l'a mis dans toutes les conditions. Le revers de la médaille selon lui-même aujourd'hui est que ce traitement particulier en famille a influencé négativement sa carrière de footballeur parce qu'il supportait difficilement les épreuves dures.
Véritable colosse, Lagaré était un avant centre vif qui exploitait la moindre opportunité. Il savait analyser les défenses adverses pour se créer de bons espaces et surprendre de dos les défenseurs centraux. Capable de marquer des buts à tout moment, son physique lui conférait une grande capacité de conservation de la balle. Sa palette technique faisait de lui la plaque tournante de l'attaque djolibiste. Pour être précis, Lagaré était une arme dangereuse dans un bastion défensif.
Ceux qui l'ont connu au Djoliba se rappelleront d'un joueur toujours bien toiletté et qui faisait le maximum d'effort pour ne pas se salir. Feu Karounga Kéïta dit Kéké a tout fait pour le modeler. En vain !!! Pour se soulager la conscience, il l'a surnommé "l'hirondelle du Djoliba". Au printemps il se présente, à l'hiver il s'en va. En réalité, Lagaré n'était pas régulier aux séances d'entraînement.
Kéké se déplaçait jusque dans sa famille pour le cajoler. Il lui obéissait pour quelques semaines, mais après il abandonnait le terrain. Pourtant, il suffisait que Lagaré rentre dans un match pour que la tribune s'enflamme.
Malgré la capacité de Kéké de bien gérer les humeurs de ses joueurs, le cas de son enfant chouchou a fini par créer des bourdonnements dans le groupe. Certains ont conclu à une injustice de l'encadrement technique : Lagaré n'était pas assidu aux entraînements, mais il était toujours titulaire. Comment ce joueur s'est retrouvé au Djoliba ? Quelle fut sa carrière ?
Quelles sont les vraies raisons de sa retraite prématurée ? Lagaré donne des détails précis.
Naître et grandir dans le quartier populaire comme Niaréla et ne pas être un sportif relèverait d'un pur paradoxe. Adama Coulibaly ne constituera pas non plus une exception. Il fit ses débuts sur l'emblématique terrain des Onze Créateurs. Après quelques mois dans la catégorie de jeunes de ce club, il saute sur l'occasion quand il s'est agi pour la Sonatam de créer une équipe de football parce que l'opportunité d'un salaire garanti lui est offerte.
Au bout de la saison 1987-1988, Lagaré signe à l'AS Commune II. C'est là que les sillons de sa carrière sont tracés. Il défie les grands clubs, et décroche une place de titulaire dans les équipes nationales espoir et senior pour les éliminatoires des Jeux Africains que l'Egypte a abrités en 1991, et de la Can du Sénégal en 1992. .
Le Stade malien et le Djoliba rivalisent pour le débaucher. Les dirigeants stadistes se manifestent les premiers avec une moto Piaggio et de grosses promesses. Ceux des Rouges à leur tour entrent dans la danse avec une moto de marque Yamaha 100, accompagné d'un sac de riz, de mil et 20 000 F CFA pour les parents. Comment il a géré cette atmosphère de "à qui dit mieux" ? Quelle fut sa décision finale ?
Une courte, mais brillante carrière
"Avec les deux motos en main, j'étais dans le dilemme total. Je me suis dit que le temps appréciera, surtout que je n'avais signé nulle part. Mais Kéké a mis la pression jusqu'à l'internat de l'équipe nationale au lycée de Badala. Finalement, j'ai transféré au Djoliba. Coup de théâtre !!! Les Stadistes apporteront une moto CG 125 et la somme de 1,5 million de F CFA. Cela ne changera rien. Seulement j'étais gêné d'avoir trahi ma parole donnée aux dirigeants du Stade malien, qui m'avaient contacté en premier lieu. Au finish la satisfaction morale d'avoir transféré dans mon club de cœur me déchargea de ce fardeau conscientiel. L'insouciance juvénile l'effaça totalement de mon corps".
De façon générale la carrière de Lagaré n'a pas été longue. Elle aurait pu être de la trempe des Seydou Diarra dit Platini du Stade malien de Bamako, Abdoulaye Koumaré du Djoliba, Papa Coulibaly ou Boubacar Fofana dit Ivoirien de l'AS Réal de Bamako. Ceux-ci avaient valorisé leur talent dans le temps et dans l'espace.
Malheureusement la carrière de Lagaré n'a pas été à la mesure de ses potentialités techniques. Autrement dit elle n'a pas produit les résultats escomptés. Certes il n'était pas régulier dans les séances d'entrainement de son club. Mais Kéké même était parvenu à la conclusion qu'il finira par se ressaisir. Surtout qu'il était sur les deux fronts des Aigles espoirs et seniors. Hélas !!!
Au firmament de sa carrière, au sommet de sa forme, Adama Coulibaly a décidé de mettre un terme à sa carrière. Là les dirigeants du Djoliba n'ont rien ménagé pour le ramener à la raison. Il est resté imperturbable dans sa logique. Aujourd'hui, il soutient ne pas se rappeler, mais nous sommes formels que l'entraineur national feu Mamadou Keïta dit Capi par personne interposée a tout fait aussi afin que le jeunot reprenne les entrainements parce que le technicien était à la recherche d'une équipe pour la Can/Tunis-94. Dommage le jeunot en son temps n'est pas revenu sur sa décision. Pourquoi ?
Lagaré explique : "Le football ne m'apportait rien. Les joueurs étaient à la limite des mendiants. Les primes étaient presque inexistantes. Il fallait se rabattre sur les supporters, ou faire un tour au marché. Cela ne pouvait pas continuer. En équipe nationale, les primes étaient de 15 000 F CFA. La seule fois qu'elles ont été revues à la hausse, c'était contre la Sierra Leone où l'Etat nous a promis 50 000 F CFA. Pour ce match, nous nous sommes contentés de 30 000 à la suite d'un match nul. Aussi les conditions de vie misérables de certains anciens joueurs m'ont découragé. Bref, l'avenir était sombre".
Ainsi se referme la carrière footballistique du jeune Adama Coulibaly dit Lagaré. Au Djoliba AC il remporta une Coupe du Mali et deux titres de champion.
Après sa retraite footballistique, il a travaillé aux Assurances Sabuyuman. Sinon avant il avait des dépôts de vente de carburant. Lagaré a également entrepris du commerce de bétail. Comme bons souvenirs, il retient le match des Aigles pour les éliminatoires de la Can/Sénégal-92, les duels Djoliba-Stade. La relégation de la Commune II en 2e division qui l'affecte à présent est son seul mauvais souvenir.
O. Roger