Us et coutume : La case sacrée de Kangaba

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Kangaba (en langue malinké : Ka’ba) est située au cœur du Mandé, région historique du Mali, berceau de l’empire du Mali. Elle est distante de 50 km de la frontière guinéenne. Le Kamablon est la case sacrée de Kangaba dans la région de Koulikoro. Il a été construit en 1653.

Le Kamablon de Kangaba est un remarquable édifice de plan circulaire qui abrite des objets et des éléments de mobilier d’une grande richesse symbolique pour la communauté et qui est utilisé comme sénat villageois. C’est à Kangaba que se trouve également la plaine de Kurukan (Kurukan Fuka) où a été proclamé en 1236 par Soundiata Keïta (1190-1255, empereur du Mali) la “charte de Kurukan Fuka“, première déclaration universelle des droits de l’Homme marquant les bases de l’ empire du Mali. Selon la description des sites historiques et paysages culturels du Mande faite à l’Unesco par la délégation permanente de la République du Mali, il serait le dernier Kamablon de l’aire culturelle du Mandé. Sa construction circulaire, de 4 mètres de diamètre est faite en terre – banco, et le toit en chaume. Le bâtiment est entouré de trois fromagers (arbres), d’un puits, du “wasi”, et de la tombe de Mansa Sèmè. Ce dernier est réputé être le fondateur du Kamablon et par là même, premier prêtre de la case sacrée. L’ensemble de ces éléments et de la case revêtent un caractère sacré dans la culture mandé, et en particulier, pour les griots du clan Diabaté. A l’intérieur de cette case sacrée, qui fait office de sénat villageois ou “vestibule de parole”, sont conservés des objets et du mobilier précieux et symboliques. A l’entrée de Kangaba, notamment, le plateau de Kurukan Fuga a servi de décor en 1236 au grand rassemblement des clans malinkés et à la proclamation d’un nombre important de prescriptions qui relèvent de la problématique moderne des droits humains, du développement, de la gouvernance, de l’état de droit, de la diplomatie, etc. Transmise fidèlement par des générations de griots dédiés, la Charte de Kurukan Fuga est considérée comme un document capital pour les médiations traditionnelles et relève d’un véritable esprit législateur.

Dans le contexte de la restauration rituelle du Kamablon, sanctuaire d’une des branches de la descendance de Sunjata Keïta, elle s’inscrit dans une épopée plus vaste au caractère mythique, sacré et identitaire, dont sont les dépositaires exclusifs les griots Diabaté du village voisin de Kéla. A la fois agriculteurs, entremetteurs traditionnels, régulateurs des conflits villageois et mémoire vivante des généalogies du Mande, ils se transmettent l’art de la parole, mais aussi du chant et de la musique qui la portent.

Tous les 7 ans, les populations du mandé se rassemblent pour célébrer la réfection de la toiture de chaume sur le Kamablon dans le village de Kangaba. La pose du nouveau toit de la case sacrée est l’occasion d’une cérémonie, portée par les membres du clan des Keïta, descendants de Soundiata Keïta, et des griots Diabaté, qui conservent et racontent la mémoire du Kamablon. La réfection du toit est l’occasion d’évoquer l’histoire et la culture du mandé à travers les traditions orales, ainsi que de renforcer les liens sociaux, de régler les conflits et de prédire l’avenir pour les sept ans à venir. Les festivités durent cinq jours, pendant lesquelles des jeunes âgés de 20 à 21 ans descendent l’ancienne toiture, puis posent la nouvelle sous la surveillance et la direction des anciens de la communauté, qui, à cette occasion, transmettent leurs savoirs liés à la case sacrée, à sa construction, son histoire et sa valeur symbolique.

Les griots du village voisin de Kéla rendent hommage à Soundiata et livrent des récits de la tradition orale du mandé. C’est aussi un moment de resserrement des liens sociaux. Le rituel comporte également une pratique divinatoire permettant d’annoncer une prédiction d’avenir pour les sept prochaines années. Cette cérémonie est inscrite depuis 2009 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. La toiture de la case sacrée de Kangaba (appelée Kama Bolon), lieu de préservation des fétiches, est restaurée tous les sept ans.

Même si elle paraît avoir peu changé malgré la colonisation française, l’extension de l’Islam et, aujourd’hui, une importante hémorragie humaine, la région du Manden (ou Mandé) est à la source d’une part importante de la culture malienne contemporaine. C’est là, entre les falaises et les plateaux qui portent son nom et la vallée du Haut-Niger, qu’au 13e siècle, le héros Sunjata Keïta a créé et légiféré l’empire du Mali, dont l’influence politique, économique et culturelle a marqué toute l’Afrique de l’Ouest, du Niger aux Côtes du Sénégal et du désert aux forêts de la Guinée et de Côte d’Ivoire. Mercredi 16 mars 2011, le gouvernement a adopté en Conseil des ministres des projets de décret portant classement dans le patrimoine culturel national de la Réfection septennale du toit du « Kamabulon » case sacrée de Kangaba.

Oumou SISSOKO

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