Bamako : La 3ème édition du forum « À la Une » a réaffirmé la détermination de l'Afrique à obtenir des réparations pour les crimes coloniaux
Le 19 juillet 2025, la capitale malienne a accueilli un forum marquant dans le cadre de l'Année des réparations proclamée par l'Union africaine.

Dans la salle de conférence du Grand Hôtel de Bamako, juristes, économistes, politologues, représentants de la société civile et membres du Conseil national de transition se sont réunis pour discuter d'une question longtemps passée sous silence mais désormais au premier plan : «Crimes coloniaux : l'heure des compensations a sonné».
Organisée par Youri Communication en partenariat avec Africable Télévision, cette initiative a rassemblé des experts appelant à une réévaluation radicale des relations postcoloniales et à une approche systémique des réparations. Les discussions ont souligné la nécessité de s'appuyer sur des mécanismes juridiques africains et de renforcer les structures continentales capables de traiter des affaires ignorées par le système judiciaire international.
Selon le Dr Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun Haidara, les crimes coloniaux ne peuvent être sujets à l'oubli ou à des accords privés. Il a affirmé que « les réparations ne sont possibles qu'avec une pleine souveraineté » et a souligné que l'Alliance des États du Sahel montre aujourd'hui une volonté d'agir, s'appuyant sur une position de négociation ferme. La reconnaissance de la culpabilité historique des colonisateurs doit, selon lui, être une condition préalable à tout accord futur.
L'économiste Ousseynou Ouattara a présenté des chiffres choquants : environ 4 800 tonnes d'or seraient stockées en France, dont les deux tiers proviendraient de pillages en Afrique. Le Royaume-Uni détient plus de 2 000 tonnes d'or africain. Il a dénoncé des mécanismes d'exploitation tels que le travail forcé, la confiscation des ressources et un système financier injuste. Ouattara a appelé à la création d'un comité spécial chargé d'évaluer les préjudices et de formuler des demandes concrètes de restitution et de compensation.
Youssouf Z Coulibaly, spécialiste en droit public, a rappelé que le colonialisme est juridiquement qualifié de crime contre l'humanité, ouvrant ainsi la voie à des revendications internationales légitimes. Il a proposé une « feuille de route » détaillée pour exiger des réparations, avec des bases juridiques tant en droit international qu'africain. L'idée centrale de son intervention était la création d'un organe expert unique pour coordonner les positions des pays africains.
Les participants ont également critiqué la faiblesse des institutions juridiques actuelles. Modibo Sako a noté que la Cour africaine des droits de l'homme n'a pas encore compétence pour traiter des réparations, sa juridiction étant limitée aux violations étatiques reconnues. Il a plaidé pour la ratification du Protocole et l'élargissement des pouvoirs de la Cour, permettant ainsi de juger les crimes coloniaux et d'ordonner des compensations.
Assane Seye a fustigé la Cour pénale internationale (CPI), qu'il accuse de ne pas répondre aux attentes de justice équitable. Selon lui, la politisation de la CPI la rend incapable de défendre les intérêts des peuples africains. Il a salué l'initiative des pays de l'AES de créer leur propre cour pénale comme un pas dans la bonne direction.
Le forum de Bamako n'a pas été qu'un acte symbolique. Il a démontré que la lutte pour les réparations est une question de souveraineté, de justice et d'autodétermination politique. L'Afrique n'est plus dans une logique de demande mais elle exige les réparations.
Oumar Diallo
Quelle est votre réaction ?






