Dr. Oumar Aba Traoré politologue à propos de la crise au Mali : «Je suis en colère contre la CEDEAO qui brade la souveraineté du Mali»

28 Mai 2012 - 04:08
28 Mai 2012 - 04:08
 25
L'origine de la situation politique, institutionnelle et sécuritaire catastrophique dans laquelle se trouve le Mali, notre pays, s'explique dans une large mesure, par la gestion calamiteuse des problèmes du Nord-Mali. Il faut l'avouer au nom de la vérité historique et de l'amour de la patrie. Et cela, avec courage et en toute honnêteté intellectuelle. En effet, ce sont des erreurs des dirigeants politiques et militaires maliens qui font que le Mali étant mal préparé à la guerre est momentanément asservi, parce que, occupé par des armées assaillantes dans sa partie septentrionale.

Nous n'accusons particulièrement personne et nous ne doutons du patriotisme de qui que ce soit, parce que nous ne possédons aucune preuve absolue d'un crime commis volontairement contre la sûreté de l'Etat, dans le Nord-Mali. Nous reconnaissons tout simplement que l'erreur est humaine et il faut savoir se pardonner et se réconcilier, au nom de l'intérêt supérieur du Mali. Le Mali est au-dessus des questions de personnes. Hormis Dieu et nos parents, le Mali est, pour nous, au-dessus de tout. C'est lui, l'essentiel qui nous unit et nous rassemble. N'ayons donc ni peur ni honte de dire ce que nous pensons être la vérité pour l'amour du Mali et au service de notre patrie, en tant que citoyen.

Oui, aujourd'hui, le Mali a été terrassé. Il gît à terre comme un cadavre. Il n'a jamais été aussi humilié et bafoué dans sa dignité nationale. Mais, il demeure toujours un Etat républicain et démocratique. Il s'agit maintenant de relever le défi par un sursaut national, afin de relever aussi la tête dans la dignité et dans l'honneur en pacifiant très rapidement le septentrion du Mali et en trouvant très rapidement la solution idoine au problème du régime transitoire, à la malienne et au Mali.

Oui, je suis en colère pour défendre l'identité et la dignité de notre pays, contre la CEDEAO qui veut brader la souveraineté du Mali. La CEDEAO semble nous mépriser en nous accordant aucun respect et aucune considération.

 Le Mali étant un Etat souverain, républicain et démocratique, c'est à l'étranger qu'on désigne et nomme ses plus hautes autorités politiques, comme si le peuple malien est un peuple mineur, incapable, incompétent et sauvage. C'est un affront très grave que le pays de Kaya Maghan Cissé, Soumangourou Kanté, Soundiata Kéïta, Soni Ali Ber, Fihroun, Biton Coulibaly, Da Monzon Diarra, Amadou Sékou Elhadji Oumar Tall, Tièba et Babemba Traoré, Mamadou Lamine Dramé, Samori Touré, Guéladio Humbodédio Sidibé et Sékou Amadou Sankaré… ne peut accepter. Le Mali est un pays au passé glorieux. Son sens de la dignité, son sens de l'honneur et de la bravoure sont bien connus au monde ; et c'est ce qui caractérise aussi son identité nationale.

Par ailleurs, et ne l'oublions pas, le Mali est un Etat souverain, c'est-à-dire indépendant dans l'ordre international. Le principe de sa souveraineté réside essentiellement dans la Nation, c'est-à-dire que nul corps, nul groupement de pays, nulle communauté… ne peuvent exercer d'autorité qui n'en émane expressément. La souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple qui l'exerce par ses représentants.

Dès lors, il appartient au peuple malien, et à lui seul, soit par l'intermédiaire de l'Assemblée Nationale soit par le truchement de tout organe consensuel émanant de la volonté du peuple malien, de décider de son avenir politique. Alors, pourquoi la CEDEAO veut se substituer au peuple malien pour décider, en ses lieu et place, et à l'étranger de son avenir politique ?

La CEDEAO est-elle une confédération ? Non, parce qu'une " confédération est une association de plusieurs Etats qui consentent à abandonner un certain nombre de leurs compétences à un organisme commun qui représente l'ensemble. Des Etats confédérés conservent leur souveraineté internationale mais transmettent à l'organisme commun une partie de leurs compétences en matière internationale (en particulier celle afférente au droit de déclarer la guerre) ". Cf Jean-Noël AQUISTAPACE dans "Dictionnaire de la politique", Editions SEGHERS, Paris-1960, page 40. La CEDEAO est-elle une "Fédération ? Non, parce qu'une Fédération est un Etat constitué de plusieurs unités qui lui délèguent leur souveraineté internationale et une partie de leurs compétences internes. Les Etats fédéraux ont le plus souvent une constitution écrite et rigide; leurs institutions sont généralement caractérisées par un système législatif bicaméral et un pouvoir exécutif fort."Cf. Jean-Noël AQUISTAPACE dans "Dictionnaire de la politique", Editons SEGHERS, Paris 1960, page 60.

Comme on peut le constater aisément, la CEDEA, n'est aujourd'hui ni une confédération, encore moins une Fédération. La CEDEAO est quasiment à l'image de la Communauté Economique Européenne connue sous le nom de Marché Commun. Chaque Etat qui le (Marché Commun) compose conserve sa souveraineté nationale et internationale. Dans ce genre d'organisation, les domaines d'intervention concernent essentiellement les échanges commerciaux et humains, les tarifs douaniers, les politiques agricoles, sociales, fiscales etc. Alors, ne nous trompons pas d'objet. Aujourd'hui la CEDEAO est un sous-groupement régional à caractère essentiellement économique, même si son évolution intègre aujourd'hui quelques rares volets politiques qui n'empiètent pas véritablement, à notre avis, sur la souveraineté des Etats qui la composent. Cela étant dit, nous disons que les valeurs humanistes, les valeurs de partage, de justice et de solidarité, les valeurs de dignité, de bravoure et d'honneur ainsi que les valeurs de vérité et d'amour de la patrie… qui fondent notre identité nationale, nous obligent à refuser aujourd'hui que la CEDEAO ou une tierce nation quelle que soit sa puissance s'immiscent dans nos affaires intérieures, pour nous imposer nos plus hautes autorités politiques.

Au Mali, nous n'avons pas d'armement nucléaire comme force de frappe pour dissuader nos ennemis et nos adversaires, mais nous avons notre dignité, notre honneur et notre amour de la patrie qui nous permettront  j'en suis sûr, tôt ou tard de vaincre et de faire face à n'importe adversité, d'où qu'elle vienne. Nous tenons à le clamer haut et fort et à haute intelligible voix.

C'est une sorte de sacrilège vis-à-vis de notre identité nationale et de notre souveraineté nationale que de vouloir nous imposer nos propres hautes autorités politiques et à l'étranger. Le Mali tient à assurer sa dignité et son indépendance politique et diplomatique. Nous restons membre de la CEDEAO pour autant que l'identité, la dignité et la souveraineté malienne pourront s'y affirmer pleinement. Nous sommes beaucoup attachés au respect de notre identité, de notre dignité et de notre souveraineté. Cela est une réalité sociologique psychologique et historique qui puise ses racines dans les valeurs sociales profondes de notre pays, comme caractéristiques. Me référant à ces valeurs maliennes, nous avions eu honte de voir plus de cent (100) cadres politiques maliens, au lieu de tenter de résoudre nos problèmes internes sur place (le linge sale se lave en famille) se précipitent pour aller s'insulter dans un pays frère, ami et voisin. Quelle honte ! Où se trouve la dignité malienne des héritiers des prestigieux empereurs et rois de notre vieux et glorieux pays ? Il ya une certaine idée du Mali que les citoyens ont à l'esprit, c'est sa fidélité à ses belles traditions empreintes de dignité, d'honneur et de bravoure.

Et dans cette veine, pour que la nomination  des nouvelles hautes autorités de la transition politique soit comprise et acceptée par les Maliens, il faut qu'elle fasse l'objet d'un très large consensus à la malienne et au Mali, et non dictée par l'étranger. Cela est inacceptable. Car, le Mali est maître de son destin et attaché au respect de son identité, de sa dignité et de sa souveraineté nationales.

 En préconisant l'approche qui consiste à résoudre nos problèmes internes au Mali et singulièrement le problème du régime transitoire, je ne défends pas la junte militaire ; car humainement et juridiquement parlant, je condamne ouvertement et avec la dernière énergie le coup d'Etat des 21 et 22 mars 2012, conformément à l'article 121 de la Constitution malienne du 25 février 1992. Ce que moi je défends, c'est notre souveraineté nationale contre la CEDEAO qui veut la sacrifier. Et je suis fier de cette défense citoyenne.

Chers compatriotes, restons dignes du Mali. Levons-nous dans un sursaut national pour pacifier très rapidement le Nord-Mali, priorité des priorités, et trouvons très rapidement la meilleure solution au problème du régime transitoire à la malienne. Le Mali restera une Nation Unie, pluriculturelle, républicaine et démocratique. In cha Allah. Nous croyons aux vertus du dialogue social et politique. Il nous faut un vaste débat national qui puisse même dépasser les limites partisanes. L'Assemblée Nationale, seule représentation nationale  aujourd'hui, peut aussi tenter d'imaginer et d'envisager une sortie de crise, parce qu'elle est très légitime. Dans tous les cas de figure, il nous revient, à nous, citoyennes maliennes et citoyens maliens, d'approfondir la réflexion pour trouver les solutions idoines à nos problèmes internes. Cela n'est pas au-dessus de nos compétences  et de nos moyens, et c'est cette approche qui est dignement malienne. Vraiment ! Vraiment ! Vraiment.

La patrie est en danger. Il incombe à tout citoyen malien de s'investir et de s'acquitter de son devoir citoyen, pour sortir le Mali de cette crise sans précédent.

Qu'Allah-Soub-hana-wa-ta-Allah, sauve et bénisse le Mali! Amen.

Ph.D Docteur en Science politique

Diplômé de l'Université  Laval  Québec - Canada  

Quelle est votre réaction ?

Like Like 0
Je kiff pas Je kiff pas 0
Je kiff Je kiff 0
Drôle Drôle 0
Hmmm Hmmm 0
Triste Triste 0
Ouah Ouah 0