Examens de fin d’ année –DEF, Bac : M. le Ministre, valider ces examens, c’est sacrifier toute une génération !
Il n’existe, à première vue, aucun rapport entre le retour de l’article 320 consistant à brûler vifs les auteurs de vols pris en flagrant délit, et l’organisation catastrophique des examens de fin d’année. Seulement à première vue. Le point commun, c’est bien le statut des victimes. 3/5 d’entre eux sont lycéens ou élèves de 1er cycle. Un constat qui suscite bien des commentaires.
Les examens du DEF et BAC sont pris sur un constat amer mais unanime : l’organisation de ces épreuves a été, dans l’ensemble, catastrophique. Après le DEF dont le déroulement a été entaché de fraudes massives constatées sur l’ensemble des centres du district de Bamako (fuites et ventes des sujets comme de petits pains), le baccalauréat a presque connu le même sort. C’est aux mains des vendeurs d’eau et autres badauds que l’on retrouvera les sujets, le jour de l’examen. Et auparavant, les plus futés ont pu les retrouver sur le NET. C’est dire que l’ampleur de la fraude dépassait toutes les limites connues.
Dans certains centres, ce sont des surveillants qui ont perçu des montants collectés par les candidats (2000 à 5.000 FCFA selon les matières) en vue de traiter les sujets et de les faire circuler entre les candidats. Tout cela ne constitue qu’un secret de Polichinelle. Il faudra cependant noter que tous les surveillants n’ont pas joué au jeu et n’ont pas hésité à inscrire la mention «fraude» sur les fiches d’épreuves.
Malgré tout et sans un brin de pudeur, le ministre de l’Education de l’alphabétisation et des langues nationales, Pr Salikou Sanogo, trouvera “que les épreuves se déroulent normalement dans l’ensemble“. Le ridicule ne tue évidemment pas au Mali. En clair, l’école malienne est malade, voir agonisante. Et les examens de fin d’année ont donné l’aperçu le plus descriptible de l’ampleur du mal dont la racine est si profonde qu’elle nécessite un diagnostic sérieux et global. Mais au lieu de cette réflexion large et approfondie de l’ensemble de tous les acteurs du système, nos décideurs semblent vouloir avancer, tous seuls, les yeux fermés.
Les conséquences sont nombreuses et diverses. Parents d’élèves, élèves et professeurs ont désormais perdu foi en l’école malienne. Un constat qui se manifeste justement par les cas de délinquances impliquant de plus en plus les jeunes scolaires.
Au mois d’Avril dernier, les Maliens ont constaté avec crainte et amertume le retour de l’article 320 datant des années 1991 – 1992 suite au changement de régime suivi du manque d’autorité de l’Etat et au regard des vols de plus en plus fréquents. Les voleurs étaient tout simplement brulés vifs à l’aide d’un litre d’essence (300 FCFA) et une boîte d’allumette (20 FCFA). Ces victimes étaient bien sûr des délinquants avérés.
Le hic, c’est qu’aujourd’hui, 3 voleurs sur 5 victimes de cette vindicte populaire sont des scolaires. Celle de Lafiabougou au mois d’Avril dernier était en terminal au Lycée du quartier. On cite deux autres cas dans la capitale. Au niveau des différents commissariats de police du District, ce sont encore de jeunes scolaires qui font de plus en plus objet d’interpellation. Il ne s’agit que d’un aperçu des conséquences de la déliquescence de l’école malienne. Dans le pire des cas, ce sont des cadres voleurs, tricheurs malhonnêtes qui sortiront de nos grandes écoles.
Valider ces examens, c’est sacrifier toute une génération
Il s’agit, bien sûr, du pire des cas étant entendu que le pays sera un jour dirigé par de la racaille de la pire espèce. Sur le plan international, l’on sait que les cadres maliens sont de moins compétitifs dans la sous-région et que les diplômes maliens sont de moins en moins reconnus. Alors, faut-il en rajouter ?
A la faveur des examens du BT1 survenus après ceux du DEF et du BAC, le ministre de tutelle dira, avec un brin de fierté mal placée, que ces examens sont importants car permettant de mettre sur le marché du travail des jeunes qui ont une formation professionnelle. Il s’est dit heureux de constater un nombre élevé de jeunes filles parmi les candidats. Il a recommandé à ces jeunes filles de travailler dans la discipline et de ne pas oublier surtout que le succès est au bout de l’effort. Bien entendu, l’orateur a délibérément choisi de passer sous silence les cas de fraudes constatés... Il n’y a évidemment pas de quoi être fier après un tel fiasco.Interrogé par rapport au bilan de ces examens, il a cependant été prudent en évitant de se prononcer sur la question. Il a souhaité attendre d’abord la fin de tous les examens pour livrer son verdict.
Pour notre part, en acceptant ces examens et en donnant les résultats tels qu’issus des salles d’examens, en tout cas, pour le district de Bamako, c’est contribuer au sacrifice de toute une génération d’enfants qui auront passé une scolarité des plus absurdes du monde de l’éducation. C’est donner naissance à des diplômés sans niveau, sans connaissance et sans mérites. Et Dieu sait qu’il en existe déjà trop dans notre pays ! Depuis déjà belle lurette et suite aux programmes scolaires très discutables (NEF, NEM…, biscuits, bonbons, et que s’ais-je encore ?), des élèves passent régulièrement en classe supérieure sans avoir le niveau requis et arrivent pour la plupart sans bagage intellectuel pouvant leur permettre de s’insérer dans la vie active.
Dans l’impossibilité d’être compétitifs sur le marché, ils contribuent à grossir le lot des délinquants non seulement dans la rue, mais aussi ceux appelés «cols blancs» dans la haute sphère de l’administration publique. C'est-à-dire, les délinquants de la pire espèce.
Le coupable ne serait pas alors ces élèves, mais bien vous, Monsieur le ministre de l’Education de l’Alphabétisation et des langues nationales ! Il faut le dire: le pouvoir en place n’a vraiment pas manifesté une volonté suffisante visant la mise en place de cette école dont rêve encore la Nation malienne. Il l’a plutôt discréditée. Est-ce dans le dessein inavoué de privatiser l’école publique, et partant, la République du Mali?
Issiaka COULIBALY
Directeur fondateur du journal "LE PARIEUR"
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