Me Zana Koné avocat de Ras Bath: « Dans l’affaire Ras Bath le dossier est totalement vide… Outre cette vacuité, les infractions retenues sont inappropriées. En un mot, le ministère public s’est fourvoyé. »

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Au soir du 25 août 2016 après le procès des 19 personnes dans l’affaire Ras Bath, le journal Le PAYS  a tendu son micro à l’un des avocats de Ras  Bath, le plus jeune du collectif, Maitre Zana KONE  que certains ont surnommé « l’avocat philosophe ». Lisez.

Le Pays : Vous êtes l’un des avocats de Ras Bath, aujourd’hui vous avez défendu pendant toute la journée les 19 personnes supposées être des soutiens de Ras Bath et poursuivies pour ’’troubles graves à l’ordre public, violence et voies de Fait envers les dépositaires de l’autorité ou la force publique dans l’exercice de leur fonction’’. Les 18 personnes ont été déclarées non coupables, une seule personne est reconnue coupable et condamnée à six mois de prison avec sursis, quels commentaires avez-vous ?

Me ZANA KONE : Je dis juste bravo à la justice malienne, bravo au juge qui a su prendre,  avec beaucoup de courage et de responsabilité, la décision qui s’imposait!

Le Pays : Le ministre de la Justice semblait indiquer à la télé que ces personnes détenues seront condamnées et payeront  tout ce qui est cassé, comment expliquez-vous donc cette libération ?

Me ZANA KONE : Je ne suis pas tout à fait certain que le ministre de la Justice ait pu indiquer cela. Il est avant tout un avocat, et tous les avocats croient et sont attachés au sacro-saint principe de la présomption d’innocence!  Il revenait à un juge indépendant de décider de leur culpabilité ou leur innocence. Et ce juge a justement conclu que sur les 19 personnes ayant comparu devant lui, 18 sont exemptes de tout reproche. En considération de l’aimable  vacuité du dossier du ministère Public, le juge ne pouvait arriver qu’à cette conclusion. C’est ce qui arrive normalement lorsque  les poursuites sont fantaisistes.

Le pays : Vous semblez croire que la justice malienne est indépendante, n’est-ce pas là une erreur ?

Me ZANA KONE: Vous savez, je me méfie des généralisations! En toute chose il y a le bien et le mal, l’un est d’ailleurs, me semble-t-il,  la condition d’existence de l’autre. Chaque magistrat a sa personnalité et ses convictions qui déterminent largement sa ligne de conduite. Et la décision de ce soir est la preuve que nous avons en République du Mali  des juges qui sont jaloux de leur indépendance, qui en comprennent toute la responsabilité et qui l’assument.

Prendre de la hauteur, respirer l’air des altitudes et laisser au-dessous de soi le vacarme, le tumulte de la petite politique, résister à la séduction du premier choix ,  aller au-delà des évidences premières pour atteindre à  la vérité et sortir enfin de sa conscience une décision,  le tout  en harmonie avec la règle de droit, voilà ce qu’on attend d’un juge ! Et c’est exactement ce que le juge vient de faire. C’est là la plus belle preuve de l’indépendance.

Le pays : Vous parlez de vacuité du dossier des 19 personnes,  pouvez-vous en dire autant du dossier Ras Bath ?

Me Zana  KONE: Dans l’affaire Ras Bath le dossier est totalement vide et nous l’avons déjà signalé lors de notre conférence de presse. Outre  cette vacuité, les infractions retenues  sont inappropriées. En un mot, le ministère public s’est fourvoyé.

Le pays : Pourquoi pensez-vous que les infractions sont inappropriées ?

Me ZANA KONE : Vous constaterez que tous les faits reprochés à Ras Bath sont dits  commis par voie de presse, or les infractions retenues relèvent du droit commun…

Le pays : Oui, mais le ministre de la justice dit que Ras Bath n’est pas journaliste, non ?

Me Zana KONE : Et la loi indique le contraire. Vous savez, la loi portant régime de la presse et délit de presse, pose en son article 4  et  ce, sans aucune forme d’ambiguïté,  les conditions à remplir pour avoir la qualité de journaliste. Et Ras Bath les remplit toutes, c’est d’ailleurs  ce qui justifie qu’il soit détenteur d’une carte de presse comme celle que vous arborez sur votre poitrine à présent (il rit, ndlr). Me diriez-vous que vous n’êtes pas journaliste parce que le ministre de la justice pense que vous ne l’êtes pas ? Cette question de statut de Ras bath est un faux-fuyant qui, de toute façon, a déjà perdu son effet divertissant. Personne ne conteste que les propos incriminés aient été tenus  par voie de presse. Donc avançons.

Le pays : Quels sont les actes que vous  comptez poser prochainement dans le cadre de ce qu’on peut appeler désormais l’affaire Ras Bath ?

Me Zana  Koné: Pour le moment je ne peux rien vous révéler sur notre stratégie. Ce qu’il faut retenir c’est qu’aucune de ses infractions ne résistera, nous y travaillons silencieusement.

Le pays : Comment se porte Ras Bath, dans quel état d’esprit est-il ?

Me Zana Koné : Il est positif, il croit en son combat. Il n’est ni perturbé ni pressé. Il  souhaite même aller au procès. Ce sera la zone de vérité, il a beaucoup de choses à dire.

Le pays : Quel est votre dernier mot ?

Me Zana KONE : J’invite tous ceux qui se réclament de Ras Bath  à laisser la justice faire sereinement son travail, à faire confiance en la justice de notre pays.

B YALCOUE

 

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