Depuis le 17 avril 2012, le navigateur interplanétaire qui a piloté les sondes de la NASA vers Venus, Jupiter, Soleil ou Mars Pathfinder, est nommé Chef du Gouvernement de la Transition. L’enfant de Nioro, l’amoureux de Kidal, Cheick Modibo Diarra a pour mission de solutionner le problème du nord et d’organiser les élections transparentes, régulières et acceptées. Le chemin sera sûrement parsemé d’embûches, mais son premier ennemi ne peut être que lui-même.
Le Premier Ministre de la Transition a soufflé le samedi 21 avril 2012 ses 60 bougies. Le choix porté sur Cheick Modibo Diarra pour naviguer le bateau Mali dans cette zone de turbulence politico-sécuritaire n’est pas fortuit. Au-delà de ses capacités intellectuelles et relationnelles, ses expériences, sa réputation mondiale, Cheick Modibo Diarra est au-dessus de la mêlée.
Patron de Microsoft Afrique depuis le 20 février 2006, Cheick Modibo Diarra a connu une enfance difficile et une carrière professionnelle exceptionnelle.
C’est un certain lundi 21 avril 1952 que le voyage de Cheick Modibo Diarra a commencé à Nioro. Fils de Moussa Kirangoba, un commis de l’administration coloniale et de Ba Kadiatou infirmière de son Etat. A six ans, son oncle l’envoya dans un jardin d’enfants de la mission catholique de Ségou destinée aux enfants des militaires et des colons français. Ils étaient seulement trois Maliens. L’année d’après, il intègre l’école primaire.
Son père, militant et élu du PPS (Parti Progressiste Soudanais), est arrêté le 2 février 1959 à Ségou en compagnie de son oncle, après l’incendie de leur maison. L’appartenance politique de son père a beaucoup gêné le RDA de Modibo Kéïta. Il a passé une dizaine d’années en prison dont sept ans à Kidal. A l’époque, Cheick Modibo Diarra, comme il l’a mentionné dans son livre intitulé Navigateur interplanétaire, était indigné : «Je devins pareil à un animal enragé, animé de l’envie de détruire, de saccager tout et n’importe quoi…». Durant l’épreuve, ses quatre mamans et ses frères ont fait preuve de cohésion et de solidarité pour maintenir la famille. Avant, en octobre 1958, son père a été muté à Gao sûrement parce qu’il a fait acte de candidature, puis élu au poste de Directeur de la Société Malienne de Développement Rural (SMDR) en juillet 1958. Le 14 octobre de la même année, son salaire est suspendu. Tout ce qui explique l’incendie de sa maison et son arrestation en février 1959.
C’est dans cette situation pénible que Cheick Modibo Diarra continue de suivre son destin. En 1969, il fut admis au DEF à Ségou et orienté au lycée technique de Bamako. Gin Campari est le surnom de Cheick Modibo Diarra. Tant bien que mal, il continue ses études ponctuées par le BAC en 1972.
Cheick Modibo Diarra et le nord du Mali, une autre histoire !
Son père a fait sept ans au nord comme prisonnier, même si au fil du temps ses conditions de détention ont été beaucoup allégées. Donc, toute sa famille rendait visite à Moussa Kirangoba. Son père qui est pieux et un travailleur hors pair, a pu acheter une maison à Kidal, ensuite une deuxième à Gao. Le point d’attache entre Cheick Modibo Diarra et la partie septentrionale du pays était trouvé. Durant son cycle au lycée, il passait ses vacances à Gao et à Kidal, pourtant son père était déjà libre. Et c’est à Kidal qu’on l’informe de sa bourse pour l’extérieur. Entre temps, son père avait été muté à Ansongo, une autre ville du nord.
De 1972 à 1979, il poursuit tant bien que mal ses études en France pour ensuite aller aux USA. Il fait 7 ans études dans une Université américaine avec une moyenne de 3,71 sur 4. En juin 1988, il fut convoqué à la NASA en Californie, après que son CV soit visité. Quelques jours après, sa candidature a été acceptée au Département du génie mécanique et celui de la navigation. Cheick opte pour la navigation. Avant, il dispensait des cours aux étudiants de l’Université de Howard et préparait en même temps sa thèse. Et c’est 11 juillet 1988 que Cheick a commencé à travailler au JPL (Jet Propulsion Laboratory) où s’élaborent toutes les sondes américaines propulsées dans l’espace. A la NASA, il effectue cinq missions. Il s’agit de Magellan en mai 1989, destination Venus, le but étant de cartographier le relief de cette planète. Ensuite vient l’Ulysse, qui est destiné aux pôles du Soleil. Objectif : étudier le Soleil à partir des latitudes autres que le plan écliptique. Après, c’est Galilée direction Jupiter. Le but est d’explorer le système de Jupiter ; larguer dans l’atmosphère de Jupiter une sonde ; fixer deux rendez-vous avec les astéroïdes Gaspra et Ida. Pour la mission de Mars Observer, il s’agit de faire l’inventaire le plus complet possible. Enfin en 1996, arrive Mars Pathfinder, direction Mars pour faire atterrir une sonde contenant un Nover capable de se mouvoir sur le sol martien. C’est avec dextérité que Cheick Modibo Diarra a mené ses missions. Sa dernière a été une grande réussite, saluée à l’époque par le Président Clinton.
Aujourd’hui, c’est l’homme qui a participé à la définition de l’Internet, pour paraphraser en substance le président américain, qui dirige le Gouvernement de la Transition du Mali. Il va mettre ses relations incommensurables, ses expériences, sa rigueur pour réussir cette nouvelle mission, celle de conduire le bateau Mali à bon port. Comme il le dit, à la NASA, c’est la ponctualité et le planning à la lettre.
Son parcours suffirait-il à réussir sa mission ?
Sûrement non ! A la National Aeronautics and Space Administration (NASA), s’il avait l’accompagnement de tous ses collaborateurs, il sera difficile pour Cheick Modibo DIARRA d’avoir le même engagement dans sa nouvelle mission. Il aura toujours des personnes qui vont essayer de saboter son travail, et c’est cela aussi le Mali.
Mais avant, Cheick Modibo Diarra lui-même doit tourner les pages sombres de sa vie. Il s’agit de l’injustice dont son père a été victime, les propos peu durs qu’il a évoqués dans son livre, concernant les détentions de ses beaux-parents et ses beaux-frères dans les années 1991 ainsi que l’humiliation que le pouvoir ATT voulait infliger à son frère aîné Sidi Sosso Diarra. Faut-il le souligner, Sidi a été un guide, un grand-frère exemplaire, un père spirituel, un complice, une référence pour Cheick Modibo Diarra. Il cite son nom au moins 30 fois dans son livre.
Il faut retenir enfin que c’est après la chute de Moussa Traoré en 1991 que Cheick Modibo Diarra a marié sa fille en 1993.
Ahmadou MAÏGA