Grand marché de Bamako : « Coxeurs » et harceleurs
Ces commerciaux d’un autre genre incitent de plus en plus la clientèle à s'orienter vers les boutiques. En contrepartie, ils se retrouvent le petit soir avec des ristournes au prorata des clients drainés et en fonction des montants déboursés par ces derniers

«Il n'y a pas de sot métier...» Des courtisans péjorativement appelés «coxeurs» s'inspirent bien de cet adage. On les voit dans les centres commerciaux de la capitale à la recherche de leur pitance. Ils s'imposent souvent comme des acteurs incontournables. Harceleurs et dévoués, ils ne jurent que par leurs recettes journalières. Le vendredi 19 septembre 2025, le secteur « Dabanani » au grand marché de Bamako, il était environ 16 heures. Cinq jeunes hommes se tenaient au bord de la route exposant des échantillons de rideau, de drap et de bazin, etc. Ils sont tous des courtisans et proposent des articles aux passants pour attirer les clients vers les commerçants, propriétaires des boutiques de vente de tissus. Ces « commerciaux » ne manquent pas de formules pour susciter de l'intérêt chez les passants et arrivent souvent à drainer du beau monde.
« Maman que veux-tu ? Des draps ? Quelles sortes de produit?» «Nouvelle mariée», «la femme du vieux». Une dame qui passe devant ces jeunes hommes se voit apostropher en ces vocables : «Veux-tu des draps ou des rideaux pour séduire ton mari». Elle ne répond pas. Les coxeurs insistent et lui arrachent un petit sourire et attirent son attention. La jeune dame au teint clair, vêtue d'une abaya, exige le prix d'un rideau que tenait, Amadou Diarra, l'un des courtisans. Celui-ci persuade sa cliente de faire un tour à la boutique de son patron pour découvrir d'autres modèles et couleurs de l'article proposé à la dame. Ces agents commerciaux sont de plus en plus nombreux sur les marchés.
Au niveau du secteur surnommé « Djalaba côrô », Hamadoun Touré s'illustre. Il tient quelques échantillons de tissu et de brodé. Il explique exercer ce métier depuis plusieurs années. Il arrive à tirer son épingle du jeu. De 7 à 17 heures, il a gagné 10.000 Fcfa suite aux achats des différents clients dans sa boutique partenaire. Selon lui, ce travail est toujours avantageux. «Les marchandises que nous proposons aux clients appartiennent aux propriétaires des boutiques», dit-il, avant d'ajouter que lorsqu'ils amènent un client chez les boutiquiers, ces derniers leur donnent une somme en fonction du montant déboursé par le client. À la fin de la journée, l'argent gagné sur les différents achats leur est versé. Il fait savoir que les courtisans surmontent la négligence et le rejet des clients.
Oumar Diallo, un praticien de ce métier, ne dit pas le contraire. Il témoigne que cette activité exige beaucoup de courage. Et d'estimer «qu'il n'y a pas de sot métier, mais de sottes gens». Au grand marché de Bamako, l'activité de courtisan est diversement appréciée des commerçants. Lah, commerçant de pagnes wax, brodés, tissus, regrette que des arnaqueurs et toxicomanes se déguisent en «coxeur» pour voleur appâter les visiteurs du marché. Ce commerçant précise qu'un courtier bénéficie d'une somme sur chaque achat des clients. Dans ce business, Lah martèle qu'ils ont toujours de nouveau visage dans leurs boutiques qui viennent avec des clients.
Un commerçant sous anonymat apprécie le courage des «coxeurs». Ce vendeur de bassin explique qu'ils font aussi la promotion de leurs produits. Le commerçant apprécie les efforts des courtisans visant à motiver les clients en cette période où les clients se font rares. Les courtisans sont diversement appréciés de la clientèle. Fatoumata Diarra visite le grand marché de Bamako.
Elle soutient qu'il faut encourager les courtisans, car ils facilitent la tâche de la clientèle qui n'a pas souvent besoin de se promener pour découvrir de bons articles. Ils connaissent tous les coins et recoins du marché, témoignent celle qui venait d'être guidée vers une boutique de tissus «guipures». Le plus amusant, selon elle, c'est la marque de respect dont font montre les courtisans en s'adressant aux clients potentiels.
Awa Guindo voit l'activité d'un autre œil. Elle trouve qu'ils sont harceleurs. «On ne doit pas faire confiance en ces jeunes. Un jour, j'ai l'habitude de suivre certains, Ils m'ont amené à un endroit suspect. Ne voyant plus beaucoup de gens, j'ai refusé de les suivre», se souvient-elle.
Aminata Diallo explique avoir été poursuivie par un prétendu courtisan. Ça n'a été facile pour elle, ce jour-là de se débarrasser de l'indésirable parce que cet homme lui a donné l'impression d'être pourchassée. Et ça, elle ne l'a pas apprécié du tout.
Aminata SOUMAH
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