Nana Mariam Maïga, fille de Soumeylou Boubeye, lors de la sortie de la 52e promotion du Cesti de Dakar : "Fidèle à ses principes, Soumeylou n'a jamais oublié d'où il venait, et il n'a jamais cessé de répondre à l'appel du devoir"
"A vous, chers diplômés, revient la mission sacrée de protéger la vérité, de nourrir le débat citoyen par une information juste et responsable"

"Aujourd'hui est l'un de ces jours. Dans la dignité de cette promotion, dans votre bienveillance, dans l'intelligence collective, dans votre engagement, dans l'énergie vibrante de cette salle. Il est là. Soumeylou Boubèye Maïga. Il a été un fils, un père, un frère, un époux, un ami, un militant, un mentor. Mais aujourd'hui, j'aimerais évoquer trois aspects qui résument l'essentiel de ce qu'il était". Parole de Nana Mariam Maïga, l'une des filles de Soumeylou Boubèye Maïga, le jeudi 22 mai 2025, à l'occasion de la cérémonie de sortie de la 52è promotion du Centre d'études des sciences et techniques de l'information (Cesti) qui porte le nom de l'ancien Premier ministre. Discours intégral prononcé lors de cette cérémonie devant un parterre de personnalités sénégalaise et maliennes.
C'est avec beaucoup d'émotion et un immense honneur que je prends la parole aujourd'hui, au nom de la famille Maïga, pour remercier chaleureusement le Cesti de cet hommage rendu à notre cher père. On dit souvent que lorsqu'on perd un être cher, son absence se fait cruellement sentir lors des moments de joie et de grands rassemblements. Mais parfois, il arrive aussi que leur présence nous enveloppe, comme une évidence, même en leur absence.
Aujourd'hui est l'un de ces jours. Dans la dignité de cette promotion, dans votre bienveillance, dans l'intelligence collective, dans votre engagement, dans l'énergie vibrante de cette salle. Il est là. Soumeylou Boubèye Maïga. Il a été un fils, un père, un frère, un époux, un ami, un militant, un mentor. Mais aujourd'hui, j'aimerais évoquer trois aspects qui résument l'essentiel de ce qu'il était.
D'abord, le combattant. Un homme de courage et de conviction. Dès le lycée, il était déjà militant. Il écrivait des articles anonymes qu'il affichait la nuit sur les murs de l'école, signés sous le pseudonyme du Tigre. Et ce surnom l'a accompagné toute sa vie. Le Tigre, comme nous le savons, est un animal majestueux et insaisissable - qui fascine autant qu'il fait peur.
Que ce soit en tant que coordinateur des marches et des mobilisations pour la démocratie, ou à travers son engagement dans les partis politiques clandestins, ou encore comme syndicaliste - auteur de prises de parole courageuses et historiques - il a incarné la figure du combattant, du résistant, jusqu'à son dernier souffle.
Il est symbolique, nous pensons, qu'il nous ait quittés à la veille du 31e anniversaire de la révolution démocratique malienne. Son départ, à ce moment précis, résonne comme un dernier clin d'œil à l'histoire qu'il a contribué à écrire.
Ensuite, l'homme d'État. Il était avant tout un enfant de Gao. Très attaché à sa ville natale - d'ailleurs son dernier grand voyage fut pour s'y rendre. Il y a grandi, dans une grande famille, les pieds sur le sable du désert, la tête dans les livres, et le regard tourné vers le monde.Curieux de tout, avide de savoir, une anecdote de son enfance l'illustre parfaitement : un jour, son père a été stupéfait de découvrir qu'il correspondait avec le président guinéen Sékou Touré bien avant le lycée car ce dernier lui avait envoyé des livres par la poste.
De cet enfant est né un homme qui, à force de détermination, d'engagement et d'intégrité, a su gravir les plus hauts sommets de l'État. Une trajectoire résumée par le titre du livre qu'il écrivait peu avant son décès: «De courage et de persévérance».
Il a servi son pays à travers de nombreuses fonctions : chef de cabinet et ministre secrétaire générale à la présidence, directeur de la Sécurité d'État (il est d'ailleurs le premier et seul civil à avoir occupé ce poste), ministre de la Défense à deux reprises, ministre des Affaires étrangères, Premier ministre. Mais au-delà des titres, il incarnait l'homme d'État dans ce qu'il y a de plus noble : le sens de la responsabilité, la loyauté envers la République et une profonde fidélité à l'intérêt général.
Fidèle à ses principes, il n'a jamais oublié d'où il venait, et il n'a jamais cessé de répondre à l'appel du devoir.
Enfin, l'homme de famille.
C'est peut-être le rôle qui lui tenait le plus à cœur. Un homme calme, mais au caractère affirmé. Discret, mais toujours là quand il fallait. Juste, digne, généreux, et profondément attaché à ses valeurs. Malgré toutes ses responsabilités, il était disponible pour tout le monde et à toute heure. C'était à se demander quand il trouvait un peu de temps pour lui-même. Et malgré tous les titres qu'il a pu porter, pour nous, il est toujours resté simplement : Papa. S'il fallait le résumer en un mot, ce serait la sérénité - c'est ce qu'il était même dans les situations les plus tendues. Il n'avait peur de rien et c'était un homme de foi. D'ailleurs, il disait souvent : «On ne peut pas avoir peur de Dieu et avoir peur des hommes. Il faut choisir». Sa plus grande force était sa confiance en soi et son désir d'être utile aux autres. Chers diplômés, s'il était devant vous aujourd'hui, nous sommes certains qu'il vous dirait cette phrase qu'il aimait citer : «La force du changement est en chacun de vous».
En ce jour où vous entrez dans la vie professionnelle, je vous laisse sur cette pensée : Le savoir ne vaut que s'il est mis au service de quelque chose de plus grand que soi.
Malgré sa vie politique, son âme de journaliste ne l'a jamais quittée. Il valorisait les faits plus que les opinions, la confiance plus que la notoriété, la rigueur plus que le sensationnel.
Aujourd'hui plus que jamais, et comme vous le savez, le journalisme et l'information en générale font face à de nombreux défis : dans un monde numérique où l'information circule à la vitesse de la lumière et où la vérité se dilue dans la rumeur.
À vous, chers diplômés, revient la mission sacrée de protéger la vérité, de nourrir le débat citoyen par une information juste et responsable.
Alors nous vous invitons à réveiller le Tigre qui sommeille en chacun de vous, et à vous battre - toujours - pour la vérité.
Encore une fois, merci pour cet hommage. Et en cette journée, nous sommes convaincus qu'il nous sourit, de là où il est, fier de cette jeunesse qui prend le relais".
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