Instabilité gouvernementale en France : Ce qu’il faut savoir…

Cela fait plusieurs mois que la France connaît une instabilité gouvernementale inédite depuis l’instauration de la Ve République. Les premiers ministres se succèdent et connaissent le même sort : la censure.

27 Sep 2025 - 09:28
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Instabilité gouvernementale en France : Ce qu’il faut savoir…
manifestation en France (photo Ouest-France)

La réforme de la constitution en 2002, qui a réduit la durée de mandat de sept à cinq et inversé le calendrier électoral avec l’élection présidentielle qui précède les législatives, avait jusqu’ici crée une relative stabilité politique.

En effet, d’autant plus que les élections législatives sont organisées quelques semaines après la présentielle, le président élu avait systématiquement une majorité confortable pour gouverner. Cela parait plus ou moins logique dans la mesure où les électeurs ne se dédiraient en ne donnant pas les moyens de gouverner au président qu’ils venaient d’élire. Cette relative stabilité est-elle désormais un lointain souvenir ?

Dans cet article nous allons essayer de comprendre comment en est-on arrivé là, d’identifier les points de discorde entre les différentes formations politiques et enfin de dégager les perspectives.

La dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024

Pour comprendre l’instabilité politique que connait l’Hexagone, il faut remonter à la dissolution de l’assemblée nationale le 09 juin 2024 par le Président Emmanuel Macron à la suite des élections européennes lors desquelles le Rassemblement National emmené par Jordan Bardella est arrivé en tête. Il faut dire que ce fut une surprise pour de nombreux observateurs de la vie politique française. En effet, comme nous venons de l’évoquer, il s’agissait des élections européennes, l’enjeu n’était donc pas lié à la politique intérieure.

Cette dissolution a été sans doute une erreur politique que le Président Macron admettra plus tard d’ailleurs. C’était d’autant plus une erreur que la majorité relative qu’il avait obtenue lors des législatives de 2022 était volée en éclat. Au sortir des législatives anticipées de 2024, trois blocs politiques étaient formés. Le bloc de gauche réuni au sein du Nouveau Front Populaire (NFP) regroupant : La France Insoumise, le Parti Socialiste, le Parti Communiste et Les Ecologistes. Le bloc central avec : Renaissance, Horizons, le Modem et Les Républicains.

Et enfin l’extrême-droite avec le Rassemblement National. Aucun de ces trois blocs n’a obtenu la majorité absolue c’est-à-dire 289 députés sur les 577 que compte l’hémicycle. Toutefois, c’est le NFP  qui est arrivé en tête avec 182 députés donc une majorité relative. Le premier ministre aurait donc dû être issu de leur rang. Et pourtant…

Michel Barnier, François Bayrou deux PM un même sort…

Faisant fi des règles démocratiques, selon lesquelles le premier ministre (PM) doit être nommé parmi le camp majoritaire à l’assemblée nationale, le Président Macron a choisi Michel Barnier comme premier ministre en septembre 2024. Il succède, en tant que plus vieux PM de la Ve République, à Gabriel Attal, plus jeune PM de la Ve République. Rappelons que Michel Barnier est issu des rangs des Républicains. Sa nomination s’est justifiée par la volonté de consolider le bloc central mais aussi sa réputation de fin négociateur.

Ceci pour rappeler le rôle qu’il a joué lors des négociations qui ont aboutit à la sortie de la Grande Bretagne de l’Union européenne. Dans un contexte marqué l’émiettement politique, Barnier apparaissait comme celui qui pouvait servir de passerelle entre le bloc central et le RN. La stratégie était donc d’isoler le NFP pourtant arrivé en tête des législatives. Il faut dire que Michel Barnier a toujours affiché une certaine considération pour le RN pendant que plusieurs responsables politiques prônent le mépris.

Le RN de son côté est dans une stratégie de légitimation depuis son ascension en s’affichant comme un parti responsable, qui ne cherche pas systématiquement à faire du blocage. Cependant, cette relative entente n’aura été que d’une courte durée. Le point de discorde entre Barnier et les forces d’opposition, NFP et RN compris, a atteint  son apogée lors de la présentation du budget 2025. Alors que la dette française dépasse les 100% du PIB, Michel Barnier a présenté un budget d’austérité. Si toutes les formations politiques sont d’accord pour réduire la dette, elles ne partagent cependant pas la méthode a adopté.

Pour la gauche, les plus riches doivent mis à contribution pour aboutir à ceux qu’ils nomment la justice fiscale. En revanche, le bloc central considère une qu’une telle mesure créerait l’exil fiscal des grands patrons. La suite on la connait. Michel Barnier est renversé par une motion de censure en décembre 2024 devenant ainsi le deuxième PM dans l’histoire de la Ve République a été renversé de cette manière après Georges Pompidou.

Après la chute de Barnier, Macron se tourne vers un allié de la première heure, François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate (Modem) en le nommant Premier Ministre. Conscient de la tâche qui l’attendait, ce dernier parlera de « l’Himalaya » à surmonter pour réussir sa mission. Bayrou est un centriste pure jus.

A première vue, on pourrait donc penser qu’il peut mettre d’accord les blocs de deux extrêmes. Mais le fait d’avoir rejoint Macron depuis 2017 a fait oublié ce positionnement sur l’échiquier politique français. Pour les forces d’opposition, Bayrou n’est que la continuité de la politique macroniste. Si Barnier s’était appuyé sur le RN pour tenter de se faire un passage, Bayrou quant à lui s’est rapproché du Parti Socialiste (PS). Considéré comme un parti de gouvernement, à la différence donc de la France Insoumise, Bayrou espérait s’attirer les grâces du PS.

Il faut dire que cela a fonctionné au début puisque Bayrou a échappé à une motion de censure en janvier 2025 grâce au PS. Cependant, le point de rupture entre le PM et les forces d’opposition était à nouveau sur la question de budget 2026. La proposition qui a irrité la gauche fut la suppression de deux jours fériés : le lundi de pâques et le 8 mai. Le plan de budget prévoyait une économie de 44 milliards d’euros là où la gauche propose 22 milliards. Conscient de la délicatesse de sa mission, le PM a pris tout le monde de court en demandant un vote de confiance le 8 septembre 2025.

Il faut dire que l’issue du vote ne faisait aucun doute. Le gouvernement Bayrou tombe en septembre 2025. Si certains parlent de courage politique de Bayrou, d’autres considèrent que c’est un suicide politique. Quoi qu’il en soit, la chute de Bayrou prolonge l’instabilité gouvernementale que connaît la France. Jusqu’où cela peut aller ?

Les perspectives

Il faut dire que la nomination de Sébastien Lecornu en remplacement de François de Bayrou n’offre pas de perspectives claires pour la France. En effet, Lecornu a été membre de tous les gouvernements successifs depuis 2017. Peut-il être l’homme de la rupture ? S’il a déjà fait une concession en abandonnant l’idée de son prédécesseur de supprimer deux jours fériés, sa marge de manœuvre reste étroite. De notre point de vue, la réussite de sa mission tient à deux niveaux : parvenir à faire entrer des figures de gauche dans son gouvernement ou obtenir un accord de non censure avec au moins une partie de l’opposition.

A défaut, Lecornu pourrait subir le même sort que ses deux prédécesseurs, c’est-à-dire la censure. Et si c’était le cas, une nouvelle dissolution de l’assemblée nationale serait inéluctable. En effet, Lecornu semble être la dernière cartouche de Macron. Cette éventuelle dissolution profiterait sans doute au Rassemblement National qui l’appelle d’ailleurs de ses vœux. Si cette tendance se confirme, on se dirigerait vers une cohabitation. Ce qui serait une première depuis 1997.

 

Brehima Sidibé

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