Le ministre Kassogue trace les contours sur la mise en œuvre du code de procédure pénale

Opérationnalisation des chambres criminelles, poursuite contre les personnes morales, institution du Collège des libertés et de la détention…

27 Sep 2025 - 02:14
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Le ministre Kassogue trace les contours sur la mise en œuvre du code de procédure pénale

Dans une correspondance dont nous avons pu nous procurer une copie, le ministre de la Justice et des Droits de l'Homme instruit à l'inspecteur en chef des services judiciaires, aux chefs de juridictions et de parquets, aux juges d'instruction, aux officiers et agents de police judiciaire de prendre des dispositions pour la mise en œuvre du Code de procédure pénale.

l'entame, le ministre de la Justice et des Droits de l'Homme rappelle que son département a fait adopter le Code pénal et le Code de procédure pénale, deux textes répressifs majeurs qui, par leur richesse, leur variété, leur densité et leur adéquation avec les réalités sociales sont devenus des textes référentiels qui marqueront très certainement des générations de juristes, en général, et de professionnels du droit, en particulier. Et d'ajouter que le programme législatif qui a abouti à la refonte du dispositif pénal est parvenu à corriger les nombreuses insuffisances, lacunes, vides juridiques et anachronismes qui se sont révélés à l'épreuve du temps et de la pratique judiciaire permettant également de donner corps aux engagements internationaux auxquels notre pays a souscrit.

Ainsi, mentionne la correspondance, la nécessité s'imposait de réaliser un équilibre entre plusieurs impératifs a priori contradictoires, mais qui s'avéraient complémentaires les uns des autres à savoir la sécurisation des personnes et des biens, l'assainissement du milieu des affaires, la célérité de la justice et sa fiabilité, le respect des droits et libertés individuelles des citoyens et celui des droits de la défense.

Après une vingtaine d'années de pratique, poursuit le document, le Code de procédure pénale soulevait des difficultés tant dans son architecture que dans son contenu. Il s'agissait de combler les vides juridiques et d'apporter des réponses adéquates face à l'évolution des enjeux et des défis sur l'efficacité de la politique pénale en prenant en compte les mutations de la criminalité, la nécessité de renforcer la protection des droits des personnes poursuivies, des témoins et des victimes.

Dans la perspective de l'appropriation progressive par les acteurs de la Justice des nouveaux Code pénal et Code de procédure pénale, il est apparu opportun de s'appesantir sur les mesures d'accompagnement, en particulier relativement au Code de procédure pénale qui a été promulgué le 13 décembre 2024 et dont l'entrée en vigueur a été différée de six mois pour être effective le 13 juin 2025.

Les principales innovations

En vue d'une meilleure compréhension, le département de la Justice a convenu tout d'abord d'invoquer les principales innovations contenues dans le Code de procédure pénale, ensuite de préciser les mesures de mise en œuvre de ces innovations, et enfin d'évoquer les dispositions transitoires qui sont contenues dans ce Code.

En ce qui concerne les principales innovations contenues dans le Code de procédure pénale, elles portent, entre autres, sur : la garde à vue les mesures y relatives sont contenues dans les articles 109 à 149 ;  la liste des Officiers et des Agents de police judiciaire cette liste a connu une évolution en prenant en compte d'autres catégories d'intervenants et dans des conditions qui ont été spécifiées aux articles 26 à 37 ; les techniques modernes et intrusives d'enquête ; les poursuites contre certains responsables politiques ou administratifs.

A cet effet, le président de la République pour les infractions commises en dehors de ses fonctions et les membres du gouvernement pour les faits commis dans ou hors de l'exercice de leurs fonctions, sont pénalement responsables devant les juridictions de droit commun en raison de la suppression de la Haute Cour de justice. Il en est de même pour les parlementaires compte tenu de la révision des dispositions relatives aux immunités les concernant.

Dans le même ordre d'idées, les personnalités ayant rang de ministre, les membres de la Cour suprême, de la Cour constitutionnelle, de la Cour des comptes, les gouverneurs de région ou de district, les magistrats, les officiers de police judiciaire, les préfets, les adjoints aux préfets, les sous-préfets, les présidents de Conseil régional ou les maires sont pénalement responsables devant les juridictions de droit commun.

Poursuite contre  les personnes morales

Pour la poursuite contre les personnes morales, il est désormais possible que, toute personne morale de droit privé, soupçonnée de commission d'infraction à la loi pénale, puisse faire l'objet de poursuite, d'instruction et de jugement. Selon la correspondance, la mise en liberté peut être subordonnée à la fourniture d'un cautionnement sous forme soit de constitution de sureté soit de cautionnement personnel en matière correctionnelle. Ce cautionnement est fourni en espèces, billets de banque, chèques certifiés ou titres émis en garantie par l'Etat.

En matière d'infractions économiques et financières, le cautionnement est fixé à un montant équivalent aux deux tiers du préjudice et ne peut être inférieure en aucun cas à la moitié du montant des sommes reprochées au mis en cause.

Il convient de relever l'introduction de la possibilité de médiation en matière économique et financière qui associe le contentieux du gouvernement et l'Agence de recouvrement et de gestion des avoirs saisis ou confisqués.

Pour le département de la Justice, l'une des innovations phares du Code de procédure pénale est l'institution au sein de chaque Tribunal de grande instance d'un Collège des libertés et de la détention chargé de statuer sur la détention, les libertés, le contrôle judiciaire et sur toutes mesures portant sur le cautionnement.

Ce Collège statue également sur la détention des condamnés, à la demande du Juge de l'application des peines. A ce sujet, il convient de rappeler la détention provisoire est ordonnée ou prolongée par le Collège des libertés et de la détention qui statue également sur les demandes de mise en liberté provisoire.

Institution du Collège des libertés et de la détention

Ainsi, lorsque le Collège ordonne ou prolonge une détention provisoire ou rejette une demande de mise en liberté, son ordonnance doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui motivent sa décision.

Le Collège des libertés et de la détention statue sur saisine du juge d'Instruction ou du Procureur de la République sur la base d'une ordonnance ou d'un réquisitoire motivé en référence aux seules dispositions de l'article 270 du Code de procédure pénale et l'ordonnance ou le réquisitoire est transmis en même temps que le dossier de la procédure.

Le Collège des libertés et de la détention est composé pour la durée d'une année judiciaire par le président ou le vice-président du Tribunal de grande instance ou du Tribunal d'Instance assisté de deux Juges dont un Juge d'Instruction le cas échéant tous désignés par le président de la juridiction susvisée. En cas de vacance ou d'empêchement du président, il est procédé à son remplacement par ordonnance du Premier président de la Cour d'Appel.

En cas de vacance d'emploi ou d'empêchement du vice-président ou d'un juge désigné au sein du Collège, il est procédé à son remplacement par ordonnance du président du Tribunal.

De la lecture du document, il ressort que toutes les ordonnances sont prises collégialement à l'exception des ordonnances du président du Collège statuant seul en matière de flagrant délit. En cas de partage égal de voix, celle du président du Collège est prépondérante. Un membre du Collège ne peut à peine de nullité participer à l'instruction ou au jugement des affaires pénales dont il a connu. Aussi, le Collège statue en audience de cabinet assisté d'un Greffier et lorsqu'il ne peut se réunir, le président du Tribunal d'instance statue à Juge unique.

Institution du Juge de l'application des peines

En cas de vacance d'emploi ou d'empêchement, il est remplacé dans les conditions prévues à l'article 269-1 du présent Code. Par dérogation aux dispositions, il participe au jugement des affaires dont il a connu.

Il ressort de l'analyse combinée de ces dispositions que le Collège des libertés et de la détention devra être mis en place pour une année judiciaire. Et de rappeler que l'année judiciaire débute traditionnellement le 1er novembre de chaque année pour finir le 31 juillet de chaque année.

Cependant, le Collège des libertés et de la détention ne peut être immédiatement mis en place compte tenu notamment de la faiblesse des effectifs. Donc, il le sera progressivement conformément aux instructions qui seront données ultérieurement dans ce sens. Ainsi, en attendant la mise en place du Collège des libertés et de la détention, les Juges d'Instruction et les procureurs de la République continuent à exercer la plénitude de leurs attributions par rapport aux mandats de Justice.

D'autres innovations contenues dans les deux codes : l'institution du juge de l'application des peines ; l'institution de la Chambre criminelle au sein du Tribunal de grande instance et au sein de la Cour d'appel, les réaménagements dans les attributions du procureur de la République, la plainte avec constitution de partie civile, la fixation  du délai de prescription des crimes ordinaires à 15 ans et à 20 ans pour les crimes de nature sexuelle. Par contre, les crimes de guerre, contre l'humanité, de génocide, d'infractions terroristes et d'infractions d'atteinte aux biens publics punies de peine criminelle sont désormais imprescriptibles.

Le ministère de la Justice précise les innovations dont la mise en œuvre est immédiate et qui ne sont pas tributaires de texte particulier d'application, il s'agit de : la conduite des enquêtes par la police judiciaire et les dispositions relatives à la garde à vue et à l'information de la victime ; la plainte avec constitution de partie civile devant le président du Tribunal et non devant le juge d'instruction ; la révision des règles en matière de cautionnement concernant les infractions en matière de délinquance économique et financière ; l'harmonisation avec la Constitution des dispositions relatives aux poursuites concernant des responsables politiques et administratifs ; la mise en cohérence des règles de poursuite, d'instruction et de jugement communes aux Pôles spécialisés en matière de lutte contre la délinquance économique et financière, le terrorisme et la criminalité transnationale organisée et la cybercriminalité.

Opérationnalisation des chambres criminelles

Les innovations dont la mise en œuvre intervient à court terme ayant besoin soit d'un texte particulier d'application soit d'un réaménagement en termes de personnel des juridictions, ce sont : l'institution de la médiation pénale en matière d'infractions économiques et financières ; l'opérationnalisation de la collégialité dans les trois Pôles judiciaires spécialisées et au Tribunal de commerce de Bamako au plus tard le 1er novembre 2025. A cet effet, il est demandé aux chefs de ces juridictions et de parquets de rendre compte de l'effectivité de la mesure dans un délai de deux mois et l'inspection des services judicaires veillera à la mise en œuvre de cette injonction.

Les innovations dont la mise en œuvre devrait intervenir à court et moyen terme à savoir : l'opérationnalisation des Chambres criminelles au niveau des Tribunaux de grande instance ; l'institution du Collège des libertés et de la détention afin de mieux encadrer le placement en détention des prévenus et des inculpés: les membres du Collège étant désignés pour la durée de l'année judiciaire, les Chefs de Juridiction concernés devront prendre des dispositions afin que le Collège soit opérationnel au plus tard le 1er novembre de chaque année.

Pour les dispositions transitoires, il est à préciser que les dossiers en instance relevant de la Cour d'assises sont jugés par les chambres criminelles compétentes des Cours d'appel.

En conséquence, pour les dossiers en instance de jugement par la Cour d'assises, il est demandé de faire la distinction entre les dossiers déjà enrôlés ou en cours de jugement et les dossiers transmis par la Chambre d'accusation pour être programmés aux assises.

Aussi, les juges d'instruction sont invités à suspendre la prise des ordonnances de transmission de pièces au procureurs généraux à partir du 1er novembre 2025, date à laquelle, ils prendront des ordonnances de renvoi devant la Chambre criminelle compétente.  

                    

Boubacar Païtao 

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