À Koulouba, le serment des symboles : quand le Mali refonde sa souveraineté par l’éducation civique
Dans une République en quête de repères, la Présidence malienne vient d’accueillir une session solennelle de sensibilisation aux symboles de l’État.

Un moment fort, à la fois pédagogique et politique, qui s’inscrit dans la stratégie du Président Assimi Goïta de refonder la nation par la réappropriation des valeurs républicaines et souveraines, en commençant par le sommet de l’État lui-même.
C’est une séquence comme seul Koulouba peut en produire. Un moment de silence et de mémoire, où le faste institutionnel s’efface devant l’essentiel : dire qui nous sommes, ce que nous défendons, ce que nous transmettons. Ce vendredi 9 mai 2025, dans une salle sobrement décorée aux couleurs du drapeau national, les collaborateurs du Président de la Transition ont interrompu leurs routines administratives pour se livrer à une cérémonie aussi symbolique que stratégique : la présentation officielle des cinq piliers de l’identité malienne.
La commission nationale de vulgarisation des symboles de l’Etat, lors de la session de présentation au palais de Koulouba, le 9 mai 2025.
Le personnel de Koulouba lors de la présentation des symboles de l’Etat par la Commission nationale de vulgarisation des symboles de l’Etat, le 9 mai 2025. Présidence du Mali.
Le personnel de Koulouba lors de la présentation des symboles de l’Etat par la Commission nationale de vulgarisation des symboles de l’Etat, le 9 mai 2025. Présidence du Mali.
Derrière cet exercice en apparence classique, une opération politique finement orchestrée par le ministre Secrétaire général de la Présidence, Dr Alfousseyni Diawara, sous le regard vigilant de Mohamed Maouloud Najim, président de la Commission nationale de sensibilisation et de suivi des symboles de l’État. Dans l’assistance, une brochette de conseillers spéciaux, de technocrates de haut rang, de directeurs de services, et même des hommes en uniforme, tous conviés à revisiter les armoiries de la République, l’hymne national, le drapeau, la devise et le sceau officiel du Mali.
Une République qui se réapproprie ses fondations
Le contexte n’est pas anodin. Depuis des années, le Mali s’est peu à peu déconnecté de ses repères institutionnels. Armoiries déformées, drapeaux mal reproduits, hymne mal interprété, usage anarchique du sceau officiel par des administrations peu regardantes… Une dérive que les autorités actuelles, dans leur volonté de refondation, ont décidé de corriger. Le diagnostic est sans appel : les symboles de l’État sont peu connus, mal respectés, parfois galvaudés jusque dans les hautes sphères du pouvoir.
« Ces symboles sont l’ADN d’un État souverain », martèle Mohamed Maouloud Najim. Sous ses mots, on devine l’obsession d’une administration qui veut en finir avec les approximations. Car, au Mali, le drapeau est plus qu’un morceau de tissu, le sceau plus qu’un tampon administratif, l’hymne plus qu’une musique chantée les jours de fête. Ces attributs racontent une histoire, forgent une identité, rappellent une souveraineté que le Président Assimi Goïta place au sommet de ses priorités.
Une pédagogie nationale au service de la refondation
Depuis le lancement de la Semaine nationale d’harmonisation des symboles de l’État, en février 2024, le Comité sillonne les institutions, les écoles, les casernes, les médias. Treize sessions déjà réalisées, plus de mille agents sensibilisés, des dizaines de recommandations formulées. Ce 9 mai, Koulouba clôture le cycle. Le choix n’a rien d’un hasard : « Commencer par les ministères, finir par la Présidence, c’est envoyer un message clair. Le respect des symboles commence au sommet », explique un membre de la commission.
À la tribune, Mamadou Mohamed Coulibaly, expert chevronné, déroule le « Bréviaire de la symbolique de l’État ». Un document modeste par son format, mais ambitieux par sa portée. Il y détaille les significations, les usages et les obligations liés à chaque symbole. Avec une série de propositions audacieuses : traduire l’hymne national dans toutes les langues nationales, réglementer strictement la fabrication des sceaux, harmoniser la montée du drapeau dans toutes les institutions.
S’exprimant à son tour, Dr Alfousseyni Diawara prend soin de replacer cet exercice dans la trajectoire politique actuelle. « Ce n’est pas une cérémonie de plus, c’est un acte politique fort », affirme-t-il.
Dans la salle, les collaborateurs acquiescent. Ils savent qu’au-delà des discours, l’État attend d’eux une mise en pratique. La Présidence, siège de la première institution de la République, doit montrer l’exemple. Chaque document, chaque salle de réunion, chaque cérémonie devra désormais respecter scrupuleusement les attributs officiels de l’État.
Le pari du Président Goïta : éduquer une nation par ses symboles
Derrière ce travail de fourmi, une conviction portée au plus haut sommet : la souveraineté commence par la maîtrise de ses propres références. Le général Assimi Goïta, stratège en chef de cette pédagogie silencieuse, veut faire de 2025 — déclarée année de la Culture — le point de départ d’une révolution des mentalités. Car, comme le rappelle le ministre Diawara, « chaque nation a le devoir de se construire à partir de ses propres valeurs ».
Alors que le Mali traverse une transition délicate, entre lutte contre le terrorisme, batailles diplomatiques et crises économiques, les autorités parient sur une arme souvent sous-estimée : l’éducation civique par les symboles. Une bataille invisible, mais décisive, pour reconstruire une République debout, fière de son histoire, et résolue à défendre ses attributs face aux vents contraires de la mondialisation.
Un pari osé. Mais au Mali, les grandes victoires se forgent dans les petits gestes. Ce 9 mai, à Koulouba, ces gestes ont pris la forme d’un serment silencieux. Celui de faire vibrer à nouveau l’âme d’un État qui se cherche une voie, un visage et une voix.
Chiencoro Diarra
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