19ème session de l’Espace d’interpellation démocratique : Les dossiers portant litiges fonciers et domaniaux dominent toujours

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Le Centre International de Conférence de Bamako (Cicb) a abrité, hier mercredi 10 décembre 2014, la 19ème édition de l’Espace d’Interpellation Démocratique (Eid). La cérémonie était placée sous l’égide du Premier ministre Moussa Mara, en présence du Médiateur de la République, M. Baba Hakhib Haïdara, de plusieurs membres du Gouvernement et des représentants des organisations de défense des droits de l’homme. Le jury était présidé par M. Joseph M. Gnolonfou, Médiateur de la République du Bénin, avec comme membre M. Bachir Ali Souleymane, Médiateur de la République du Tchad, Madame Catherine Choquet, militante des droits de l’homme dans le cadre de la Fédération Internationale de la Ligue des Droits de l’Homme (Fidh) en France, Mme Oumou Touré de la Coordination des Associations et Organisations Féminnes (Cafo), M. Moussa Samaké de l’Association Malienne des Droits de l’Homme (Amdh), M. Sidiki Konaké du Haut Conseil Islamique (Hci), et M. Marc Goita de l’Église protestante.

 

Baba Akhib Haidara
Baba Akhib Haidara

Le Médiateur de la République, M. Baba Hakhib Haidara, a dans son discours souligné que les propositions d’interpellation reçues de toutes les régions, sauf Kidal, sont pour cette 19ème édition plus nombreuses et variées que lors des sessions antérieures. M. Haidara a indiqué que la structure qu’il dirige, chargée de l’organisation de l’Eid depuis 2012, a enregistré 284 demandes d’interpellation contre 177 pour la 18ème session de 2013 et 110 pour la 17è session de 2012.

Le médiateur a souligné avec satisfaction que pour la première fois l’ensemble des interpellations reçues des régions dépasse le nombre d’interpellations reçues directement au siège de l’institution. “Sur les 284 dossiers enregistrés, 50,70% proviennent des régions et 49,42% de la capitale. Mais nous avons aussi relevé, pour le regretter, qu’en terme de genre, la participation des femmes reste encore faible à savoir 5% alors que celle des hommes dépasse 95%. De même nous regrettons que la participation des maliens de l’extérieur reste insignifiante, un seul dossier a été reçu des Ambassades et consulats à l’étranger”, a précisé le Médiateur de la République.

Les 284 dossiers de cette 19è session de l’Eid sont répartis comme suit : 23 dossiers retenus pour être lus publiquement au cours de la session, 130 dossiers retenus pour être transmis aux départements ministériels concernés en vue de suites à donner, 131 dossiers non retenus pour non conformité à l’esprit et aux objectifs de l’Eid.

Les interpellations les plus nombreuses retenues cette année sont celles qui concernent les litiges fonciers et domaniaux, la non exécution des décisions de justice, les régularisations de situations administratives et le non respect des engagements contractuels de l’État. Aussi on note les constatations relevées lors des sessions précédentes. Selon le Médiateur, ces nouvelles interpellations confirment que l’État de droit fonctionne encore difficilement dans notre pays.

“Première problématique : il ya d’abord un besoin d’expression démocratique de plus en plus affirmé : le nombre sans cesse croissant de nos concitoyens et d’Ong qui recourent à l’Eid montre que ce forum est, non seulement un cadre favorable à la dénonciation de mauvaises pratiques administratives, mais aussi  un mécanisme dont les interpellateurs attendent quelques soulagements à leurs démarches. Ces attentes sont quelquefois pressantes et s’apparentent souvent à celle qu’on observe chez les usagers de la justice. Il nous faut donc réfléchir aux voies et moyens d’accommoder ces attentes sans dénaturer l’Eid, qui n’est ni une juridiction, ni une médiation classique même si certaines de ses conclusions appellent à cette médiation.

Deuxième problématique : il ya ensuite, conséquence de l’intérêt manifesté par les citoyens et les organisations de la société civile œuvrant pour les droits humains, la nécessité de gérer les limites du temps des sessions de l’Eid. Ce temps doit respecter la date historique de la déclaration universelle des droits de l’homme, déclaration à laquelle la République du Mali a adhéré dès sa naissance et qu’elle veut commémorer chaque année au cours de la journée du 10 décembre. Dès lors, comment concilier en quelque sorte l’inextensibilité de cette journée avec les impératifs d’un temps d’interpellations démocratiques libres et donc extensibles, dans un dialogue confiant entre les citoyens et l’Etat sur des sujets de droits humains et de bonne gouvernance ?

Troisième problématique : il ya enfin que nous devons porter une attention pédagogique non seulement aux facilités d’accès à l’Eid et ses mécanismes, mais aussi et surtout au processus d’appropriation et donc d’une compréhension correcte du concept de l’Eid par les citoyens et les organisations de la société civile. Ces aspects du fonctionnement de l’Eid et, probablement bien d’autres, méritent, à notre avis, de faire l’objet d’une réflexion appropriée. C’est à une telle réflexion que le Médiateur de la République invite toutes les parties prenantes à l’Eid afin que ce forum perdure. Il doit perdurer en demeurant un espace d’expression démocratique, dont la dynamique interne contribue à confronter le dialogue entre gouvernants et gouvernés en même temps qu’elle exerce une action éducative sur les comportements de tous les acteurs en appelant ceux-ci à toujours mieux observer les principes démocratiques et républicains, les principes d’un État de droit”, a affirmé le Médiateur.

La première session de l’Eid s’est tenue ici à Bamako en 1994. Il y a donc vingt ans. Pour marquer cet anniversaire, les services du Médiateur de la République ont conçu un petit film documentaire lequel, à travers des interviews de hautes personnalités qui sont à l’origine de la création de ce forum, retrace sa vision originelle, la perception, vingt ans après sur son rôle dans l’exercice des libertés citoyennes, la promotion de l’État de droit et l’instauration d’une culture démocratique au Mali.

Modibo KONÉ

Dounatié Dao à l’Eid à propos de l’accès à l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement

“Vous, pouvoirs publics, devriez aller au delà des mots, des promesses pour agir avec responsabilité”

Depuis 6 ans maintenant, la Coalition Nationale de la Campagne Internationale pour l’Eau Potable et l’Assainissement (Cn-Ciepa/Wash) saisit l’occasion de l’Espace d’Interpellation Démocratique (Eid) pour interpeller les autorités sur l’épineuse question de l’accès à l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement. Hier mercredi, le président de la Cn-Ciepa/Wash, M. Dounatié Dao, a fait un brillant plaidoyer en faveur du secteur eau, l’hygiène et l’assainissement. Il a souligné que l’état de ce secteur reste préoccupant, en dépit des nombreux plaidoyers antérieurs de sa coalition.

  1. Dounatié Dao a déclaré qu’il est difficile de comprendre qu’en 2014, environ 5 millions de maliens n’ont toujours pas accès à l’eau potable, environ 1.500 villages ne disposent pas de points d’eau potable, environ 10 millions de maliens n’ont pas accès à des toilettes adéquates. Il a déploré le fait que l’Etat malien n’accorde même pas 2% de son budget au secteur eau, hygiène et assainissement, un secteur si vital. Il a indiqué que la réalité sur le terrain est en deçà des attentes et des besoins des populations en matière d’eau potable, d’hygiène et d’assainissement.

“Jetant un regard sur nos villes, particulièrement la capitale Bamako, des montages d’ordures, des caniveaux remplis et à ciel ouvert, des eaux usées drainées le long des quartiers pour terminer leur parcours dans le fleuve Niger. Des charrettes cherchant désespérément une destination de leur charge. Une scène désolante dans une capitale vitrine du pays et cela dans une indifférence générale. Dans nos quartiers périphériques, qui ne voit pas des bidons alignés à perte de vue à la recherche d’eau revendue à des coûts exorbitants aux populations pauvres? Dans nos campagnes, des filles et des garçons passent des heures entières à la corvée d’eau au détriment des heures de cours cherchant désespérément quelques litres d’eau pour les besoins vitaux de la famille. Quelle triste réalité ! Vous, pouvoirs publics, devriez aller au delà des mots, des promesses, des bonnes paroles pour agir avec responsabilité et détermination. Le peuple malien ne sera que l’image que vous lui donnerez. Prenez donc vos responsabilité et le changement suivra, nous en sommes convaincus”, a déclaré M. Dounatié Dao, président de la Cn-Ciepa/Wash.

Aussi a t-il formulé, au nom des organisations de la société civile membres et partenaires de la Cn-Ciepa, quelques recommandations. Par rapport à l’hygiène et à l’assainissement, Dounatié Dao recommande d’accorder 0,2% du PIB à l’hygiène et à l’assainissement d’ici 2016, d’allouer 5% du budget national à l’assainissement et l’eau, conformément aux engagements SWA (Sanitation and Water for All), de réaliser une étude sur la situation de référence de l’assainissement au Mali, d’activer une Brigade de contrôle des pollutions et nuisances dans les grandes villes du Mali, de mettre en place un système de transformation des déchets solides et liquides dans les grandes villes du Mali, de sécuriser les sites prévus pour les dépôts de transit et les décharges finales, d’appuyer les initiatives à la mobilisation des financements internes en faveur de la construction de latrines améliorées, d’adopter une politique nationale d’hygiène avec son plan d’application.

Par rapport à l’eau, Dounatié Dao recommande d’assouplir les passations de marchés en matière de construction d’ouvrages hydrauliques, de rendre effectif le transfert des ressources humaines et financières aux collectivités territoriales, de réduire la dépendance de l’eau au financement extérieur et de garantir l’accès de tous les villages à des points d’eau modernes d’ici 2016.

Modibo KONÉ

 

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2 COMMENTAIRES

  1. En regardant les interventions hier, on en a des larmes aux yeux en écoutant certains récits. Les Victimes en fait, ne savent plus à qui s’adresser pour être dans leurs droits, se demandant s’il y a un ETAT de droit… ?
    Un promoteur immobilier vend un terrain à deux acheteurs différents… Complice avec le vendeur, le 1er acheteur qui a les moyens d’acheter un terrain, mais pas les moyens d’y construire la maison de ses rêves… attend que le second acheteur construise et ait fini de construire… Après que la maison est construite et que les Occupants emmenagent… Avec la complicité bienveillante d’agents de l’ETAT avec sa justice, le brave 1er acheteur vient réclamer et ravir le terrain et la maison construite … Peinard…
    La misère et la pauvreté ne doivent pas être l’excuse à tout.
    Seul un ETAT de droit peut mettre un terme à ces vols tolérés…
    C’est sidérant… !

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