Dramane Diarra président du Réseau ONG APEM : «Le processus de négociation n’a pas été vraiment inclusif»

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Le président de l'AGDM Dramane Diarra à propos de la candidature du peuple du Mali au prix Nobel de la Paix
Dramane Diarra, 

Dramane Diarra Mes impressions après la signature de l’accord ou des accords par la CMA sont assez mesurées, car je ne suis pas du tout euphorique après cette signature. Et cela, pour plusieurs raisons :

D’abord, la signature attendue et annoncée, depuis la feuille de route, de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger, devrait s’effectuer d’un trait. Si vous voulez, en une seule cérémonie, une seule occasion. Mais dans la réalité, il y a eu deux ou même trois séances de signatures : le 15 mai 2015 à Bamako, le 20 juin 2015 à Bamako, mais aussi le 5 juin 2015 à Alger par rapport «aux relevés de conclusions des consultations préparatoires à la mise en œuvre de l’accord et l’arrangement sécuritaire». Ensuite, le climat politico-sécuritaire pendant ces périodes de signature était peu emprunt de sérénité. En ce sens qu’il y avait beaucoup d’attaques armées, de violences, mais aussi beaucoup de chantage politique et de ruses. Également, puisqu’on parle de signature de la CMA, sa représentation à la dernière cérémonie de signature, le 20 juin 2015, nous laisse perplexe, car plus d’un Malien s’attendaient à tous les ténors de ce Mouvement armé, comme son chef Bilal Ag Achérif. Enfin, et ce n’est pas le moins important, le processus de négociation n’a pas été vraiment inclusif, les populations maliennes n’y ayant pas été admises à prendre une part active. Voici quelques raisons, pas toutes, qui nous poussent à avoir des impressions mesurées, des impressions de prudence, avec, toujours une certaine anxiété.

Comment voyez-vous l’application de l’Accord avec le comité de suivi qui sera basé à Bamako ?

Avant de donner mon appréciation par rapport à l’application de l’accord avec le Comité de suivi de l’Accord (CSA), je me permets de rappeler que ce Comité est prévu par les dispositions des articles 57 et suivants de l’Accord. Il est composé du Gouvernement du Mali, des mouvements signataires de l’Accord et de la médiation (l’Algérie, en tant que chef de file, Burkina Faso, Mauritanie, Niger, Tchad, CEDEAO, Nations Unies, OCI, UA, UE). Les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies sont invités à participer aux travaux du comité. Le CSA peut aussi inviter d’autres acteurs et institutions financières à participer à ses travaux. L’Algérie préside le CSA et est assistée du Burkina, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad, qui sont les vice-présidents. Il siège à Bamako mais peut exceptionnellement se réunir ailleurs, en séance plénière, au moins, une fois par mois, et en réunion extraordinaire, en tant que de besoin. Les missions du CSA sont, entre autres, d’élaborer un chronogramme détaillé de mise en œuvre de l’accord et de veiller à son respect, de suivre, superviser et coordonner l’application effective par les parties, d’interpréter les dispositions de l’accord, concilier les points de vues des parties, d’encourager le Gouvernement à adopter les textes constitutionnel, législatifs et réglementaires, à procéder aux différents transferts de ressources et de services, etc. Il y a des insuffisances notoires quand à l’application de l’accord par rapport au CSA, qui, me paraît-il, eu égard, à sa composition et à ses missions, une commission de médiation. Ainsi, rien n’est précisé quant au mode opératoire au sein de ce comité. Une sorte de règlement intérieur s’imposera. Dans tous les cas, à ce niveau, nous (le Mali) continuons à ne pas être les vrais maîtres de notre destin. En outre, il n’y a pas une forte responsabilisation de deux Pays clés dans le processus : la France et les Etats-Unis, même si les Nations Unies, l’UE sont membres du comité, et les membres permanents du Conseil de sécurité, invités. En effet, ces deux Pays (France et USA) sont simples observateurs, et ne sont pas, à mon avis, davantage responsabilisés au suivi et à la mise en œuvre dudit accord, quand bien même ils tireront certainement les ficelles. Par conséquent, le suivi et la mise en œuvre de l’accord, par rapport au CSA, risque malheureusement de fort bien ressembler au rôle de la médiation internationale pendant le processus de négociation de l’accord. Les Maliens risqueront de rester sur leur faim et paraîtront comme des étrangers dans leur propre processus de paix et de réconciliation. Pour parer à cette situation, les populations doivent se constituer en une sorte de «commission de supervision» du comité de suivi de l’accord, afin de tempérer les déviances et autres égarements.

Quel rôle doit jouer le peuple malien dans le cadre de l’application de cet accord ?

Il importe de faire constater que face à l’application de cet accord, nous avons un peuple peu imprégné de l’accord, un peuple, depuis un certain temps, qui n’anticipe pas, à la limite, un peuple indifférent, même par rapport à une question existentielle comme cet accord qui scelle son avenir immédiat et lointain. Vous comprenez, aisément, que face à des tiraillements prévisibles et même programmés dans l’accord, le véritable arbitre, le véritable censeur devrait être le peuple malien. Mais ce peuple dont on vient de donner quelques caractéristiques, en l’état actuel des choses, et par rapport à la question, va difficilement relever le défi du rôle crucial qui lui revient dans l’application de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. En clair, pour que le peuple malien joue ce rôle décisif qui est le sien, il doit être prêt. Mais malheureusement, il ne l’est pas. Il n’est ni imprégné et n’est pas, à ce jour, conscient de tous les enjeux de l’Accord. D’où la nécessité pour tous de savoir que nous devrons être un rempart dans l’application de l’accord, en dépolitisant le processus, et en nous débarrassant des considérations subjectives, pour éviter le désastre à notre Pays. Et cette tâche incombe, en premier lieu, aux gouvernants actuels, notamment au président de la République.

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